Damien Sciméca enseigne les sciences physiques dans cet établissement parisien. Il réalise aujourd’hui une séance de travaux pratiques de physique avec un premier groupe d’élèves. Le professeur assurera, aussitôt après, la même séance avec le deuxième groupe d’élèves de la classe. Son objectif consiste à faire découvrir aux élèves une application des ondes ultra-sonores dans le domaine médical et modéliser l’échographie.
Paroles de lycéens dans cette classe de seconde du lycée Sainte Ursule à Paris
“Moi ça me fait mieux comprendre la physique et ma moyenne a augmenté;”
“C’est une matière que je n’aimais pas. Et cette année j’ai l’impression d’avoir complètement une autre vision de la physique ..Si je n’ai pas compris , je vais pouvoir demander à ma camarade , elle va m’expliquer, je vais comprendre , on va refaire un exercice …”
“Dans une classe « normale » le prof nous donne le cours et nous l’explique puis nous donne des exercices à faire à la maison . Là c’est l’inverse, le professeur nous donne des vidéos à regarder et en cours on fait tous des exercices ; le prof nous aide comme cela il est sur qu’on a bien compris.”
“Les vidéos c’est vraiment bien pour approfondir.”
“Ce qui est bien dans les classes inversées c’est le travail de groupe et le travail en autonomie.”
La particularité de la méthode, précise Damien Scimeca, consiste « à faire réfléchir les élèves au montage et au protocole expérimental qu’ils doivent construire pour y parvenir. »
Le professeur est là pour donner des indices mais les élèves dans une démarche de questionnement collectif, de partage de savoirs, et de concertation vont parvenir progressivement à l’élaboration des solutions que l’enseignant validera.
Ils auront alors collectivement construit des connaissances sur lesquelles ils pourront s’appuyer pour progresser.
Classe coopérative, classe inversée
Cette pratique de la classe coopérative appréciée des élèves est bien évidemment chronophage .
Afin de libérer du temps de classe pour la mettre en œuvre , Damien Scimeca pratique la classe inversée et réalise pour cela des vidéos à l’intention de ses élèves . Qu’ils peuvent voir et revoir à loisir et utiliser “pour les révisions”.
L’approfondissement des concepts se fait bien sûr en classe car l’enseignant est disponible pour accompagner chaque élève qui le demande . Le pair-à-pair permet à celui qui a bien compris le concept de l’expliquer dans le groupe « dans un langage d’élève ».
On apprend aussi à débattre, à écouter l’argument de chacun, à construire ensemble.
Les classes inversées, consistent à dédier plus de temps en classe aux pédagogies actives et à l’accompagnement individualisé des élèves, en mettant en autonomie, la consultation de ressources et les tâches cognitives les plus simples.
On peut à cet égard citer Jean PIAGET : « Chaque fois que l’on enseigne prématurément à un enfant quelque chose qu’il aurait pu découvrir par lui-même, on lui empêche de l’inventer et donc de le comprendre complètement ».
Damien SCIMECA, lui aussi, apprend de ses pairs et construit une intelligence collective au sein de l’association Inversons la Classe ! qui contribue à favoriser la réussite de tous les élèves au XXIè siècle, en impulsant, accélérant et accompagnant les changements de pratiques enseignantes par les pairs.
En organisant des évènements qui facilitent la mutualisation comme la CLISE , où les enseignants durant la semaine de la classe inversée ouvrent leur classe aux collègues, ou le CLIC , le congrès qui accueille des centaines d’enseignants dans une démarche de colloque scientifique , cette communauté ouverte apprenante a contribué à former plus de 12000 enseignants en France de l’école primaire à l’Université.
Dans le rapport “Repenser la forme scolaire à l’heure du numérique” remis au ministre l’inspectrice générale Catherine BECCHETTI-BIZOT fait une large place à la classe inversée qu’elle définit comme “ une philosophie plutôt qu’une méthode”.
Le “plaisir d’enseigner à des élèves qui apprennent “ des enseignants qui pratiquent ces pédagogies dans le contexte facilitateur du numérique est un des facteurs de leur développement. La Recherche en France commence à s’y intéresser mais les travaux largement positifs sont pour l’instant essentiellement anglo-saxons.
Un lycée primé dans le classement des lycées d’Ile de France
Le journal Le Monde a établi à partir des indicateurs sur le baccalauréat 2017 publiés par la Direction de l’Evaluation de la Prospective et de la Performance du ministère de l’Education Nationale, un “palmares” des établissements qui font le plus d’efforts pour accompagner les élèves et qui “font mieux que prévu” au regard du niveau et des caractéristiques socio-démographiques du public qu’ils accueillent.
Le lycée Sainte Ursule qui favorise ces pédagogies reçoit dans ce “classement” la palme du “meilleur lycée d’Ile de France” et termine deuxième au niveau national.
Peut-on établir un lien entre ces pratiques et les résultats des élèves ?
On ne peut que confirmer la nécessité de lancer des travaux de recherche sur l’efficacité de ces pratiques pédagogiques et d’appeler la DEPP à les documenter .
La dernière enquête de l’association Inversons la Classe montre que le passage en classe inversée s’accompagne en moyenne de près de 2 fois plus d’enseignement personnalisé et de travail en groupe, de 2,3 fois plus d’enseignement par les pairs entre élèves et de 30% d’évaluation formative supplémentaire, des pratiques clés identifiées dans les méta-analyses comme favorisant l’apprentissage des élèves. 79% des enseignants en classe inversée estiment qu’ils expérimentet plus dans leur pratique qu’ils ne le faisaient auparavant.
Mises en oeuvre dans des formes diverses et dans toutes les disciplines à l’école élémentaires, au collège, en lycée, à l’université, à l’ESSEC comme au Pôle Innovant Lycéen de Paris qui accueille des élèves décrocheurs qui veulent raccrocher.