La pollution numérique est une préoccupation actuelle. Elle pose question en ce qui concerne nos comportements individuels et notre responsabilité collective par rapport à l’impact de nos usages numériques.
Aujourd’hui, renforcée par l’apparition de la crise sanitaire, la transition numérique ne fait que s’accélérer dans l’enseignement et dans tous les secteurs d’activités et ce, sans nécessairement prendre en compte les impacts environnementaux (At Hamma, Berio, Clarendon & al, 2020 ; Vidalenc, 2019 ; Courboulay, 2021). En effet, selon l’ADEME (2021), le numérique représente aujourd’hui 3,5 à 4,0% des émissions de gaz à effet de serre mondiales, c’est 50% de plus que le trafic aérien. De plus, d’ici 2025, ce pourcentage pourrait doubler et atteindre 8,0%.
Dans ce contexte, il nous semble primordial de sensibiliser les jeunes, dès à présent, à la pollution que peuvent générer nos usages numériques. C’est pourquoi, nous avons adapté et testé le jeu “Urbaniste en herbe” pour sensibiliser à cette thématique. Lors de cet atelier, nous vous présenterons les résultats de deux expérimentations menées au cinquième (10 à 12 ans) et sixième (12 à 14 ans) cycles de l’enseignement ordinaire en Fédération Wallonie Bruxelles (Belgique). Selon Hoebeke & Colle (2010), la transition entre le primaire et le secondaire se réalise difficilement depuis quelques années. Les élèves passent d’activités ludiques à des activités beaucoup plus théoriques que certains estiment dépourvues de sens. C’est pour cette raison que nous avons choisi cette période charnière de l’enseignement pour tester notre outil pédagogique.
En outre, les jeux de rôle et de coopération favorisent le développement des habiletés de coopération, de communication, de prise de décision en tant que citoyen. En jouant, l’élève apprend à aménager responsablement et durablement le territoire en infrastructures technologiques. Il aiguise aussi sa réflexion quant à l’impact environnemental du numérique et adopte des bonnes pratiques. Nous présenterons les résultats qui répondent à la question de recherche suivante : « comment sensibiliser les élèves du quatrième (9 à 11 ans) et cinquième (13 à 15 ans) cycles de l’enseignement ordinaire par le jeu de rôle et de coopération ? ». Pour cela nous reviendrons sur l’analyse des produits finaux (c’est-à-dire la manière dont chaque équipe a aménagé son territoire sur le jeu de plateau), la progression des élèves et leur perception quant à l’utilisabilité et l’utilité du jeu.
Apport du numérique :
Dans ce retour d’expérience, il y a deux apports du numérique :
Tout d’abord, avant de jouer, trois capsules vidéos ont été visionnées par les élèves (une vidéo pour chaque étape de l’analyse du cycle de vie : l’impact lors de la phase de fabrication des outils numériques, lors de la phase d’utilisation et lors de leur fin de vie ). Ces vidéos leur présentent les notions théoriques sur le sujet (quoi, où, comment, impacts négatifs).
Ensuite, l’objectif de ce dispositif est de sensibiliser à une nouvelle compétence numérique : la “Protection de l’environnement”. Cette compétence peut être positionnée dans la dimension “Sécurité” du DigComp (Redecker & Punie, 2017) : Il faut éduquer les jeunes afin de leur permettre de gérer les risques et d’utiliser les technologies numériques de manière sûre et responsable. Notre dispositif permet aux enfants d’agir et d’utiliser le numérique de manière raisonnée et raisonnable en mettant en place des gestes simples et peu coûteux, à leur échelle.
Relation avec le thème de l’édition :
Synthèse et apport du retour d’usage en classe :
Pour analyser les résultats, différentes évaluations ont été réalisées : la performance par un prétest/posttest, les processus grâce à l’analyse de la réalisation de l’aménagement du territoire de chaque groupe et la perception des élèves sur l’utilité et l’utilisation du jeu (Temperman, 2021).
Au niveau des performances, les deux expériences présentent un gain relatif (48,14% pour l’enseignement primaire et 18,25% pour l’enseignement secondaire) ainsi qu’une diminution du taux d’hétérogénéité (10% pour l’enseignement fondamental et 25% pour l’enseignement secondaire), ce qui montre que le dispositif est utilisable aussi bien en primaire qu’en secondaire. Pour ce qui est des processus, les résultats montrent que les élèves ont effectué un aménagement du territoire de manière durable et responsable (gestion des réseaux, des datacenter, des énergies, implantation de commerce, etc…). Cela démontre qu’ils ont acquis des connaissances et qu’ils les ont appliquées en les expérimentant. Les élèves ont pu également comprendre qu’il était difficile d’allier économie, société et environnement avec l’installation de minerais et de décharge.
Les résultats obtenus concernant la perception des élèves sur l’utilité et l’utilisabilité du jeu soutiennent la littérature (Sauvé et al., 2007) en démontrant l’effet positif de celui-ci sur les connaissances des élèves dans les deux expériences. Leur perception montre qu’ils ont intégré les connaissances et ont acquis une plus grande qualité des savoirs et des gestes en pollution numérique.
Bibliographie
ADEME. (2021, janvier). La face cachée du numérique : Réduire les impacts du numérique sur l’environnement.ADEME. www.ademe.fr/sites/default/files/assets/documents/guide-pratique-face-cachee-numerique.pdf
Ait Hamme, S., Berio, S, Clarendon, Y., Elajmi, K., L’Hocine Ismaili, E.(2020). Devenir un éco-citoyen grâce aux pratique coopératives : le cas de la pollution numérique [Mémoire de master]. Académie de Créteil. Paris
Bordage, F., & Autissier, I. (2019). Sobriété numérique : Les clés pour agir. BUCHET CHASTEL.
Hoebeke,A-C & Coll. M. (2010). Valise pédagogique pour une “gestion durable » du territoire rural de la Wallonie : approche de la « gestion durable » par le jeu au cours d’Etude du Milieu [Travail de fin d’études du bachelier non publié]. Haute Ecole Léonard De Vinci
Hoebeke, A-C & Colle, M. (2012). Urbaniste en Herbe [Jeu pédagogique]. Averborde.
Redecker, C., & Punie, Y. (2017). European Framework for the Digital Competence of Educators. Luxembourg : Office of European Union. Commission européenne. doi.org/10.2760/178382
Sauvé, L., Renaud, L., & Gauvin, M. (2007). Une analyse des écrits sur les impacts du jeu sur l’apprentissage. érudit, 33(1), 89‑107. doi.org/10.7202/016190ar
Vidalenc, E. (2019). Pour une écologie numérique. Institut Veblen : Paris.
À l’occasion de l’université d’été de Ludovia, 19ème édition, de nombreux enseignants et autres membres de la communauté éducative vont venir présenter leur expérience avec le numérique sur le thème de l’année, « Éthique et Sobriété numérique en éducation ». Ludomag se propose de vous donner un avant-goût de ces ateliers jusqu’au début de l’évènement, lundi 22 août.
Gloria Vandenplas et Sarah Descamps présenteront l’atelier explorcamp « Eduquer à la pollution numérique par la réalisation d’un jeu sur l’aménagement du territoire » sur la session III « ESPACES ET TEMPS D’APPRENTISSAGES EN TOUT SOBRIÉTÉ NUMÉRIQUE » mercredi 24 août matin.
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