Gaëlle Hallez, professeur d’espagnol au collège Henri IV de Poitiers, présente un retour d’expérience en classe sur la remédiation via les outils numériques avec les parcours de remediation différenciés.
Je m’interroge sur la remédiation depuis que j’ai mis en place les ceintures de compétences au sein de ma classe, il y a maintenant 5 ans. Après une série d’échanges avec les collègues de mon réseau, j’avais tenté une première fois, la mise en place de feedback oraux avec l’application Qwiqr. Cependant, j’avais rapidement abandonné faute de matériel dans mon ancien collège.
Depuis deux ans, je m’intéresse à l’impact des neurosciences dans les apprentissages des élèves et au fil des lectures, des formations, la question de l’importance de la rétroaction est revenue de façon récurrente. C’est ainsi que j’ai décidé de faire de la rétroaction mon cheval de bataille pour cette année scolaire et étant sur un poste avec un nombre d’heures réduit, je me suis dit que c’était l’occasion d’expérimenter.
Actuellement affectée au collège Henri IV de Poitiers, l’établissement est équipé d’une flotte d’une trentaine d’Ipad et d’ordinateurs portables. Le contexte permet donc l’expérimentation des outils numériques au service d’une nouvelle forme de rétroaction.
Comment cela fonctionne ?
Les élèves se préparent au passage des ceintures grâce à des parcours d’apprentissages différenciés. Le jour J, je récupère les livrets individuels que je corrige le plus rapidement possible puisque, selon les études des neurosciences, pour être efficace, la rétroaction doit être immédiate. Malheureusement, en collège, ce n’est pas toujours facile de donner un feedback immédiatement mais je m’efforce de leur rendre l’heure suivante et je dédie donc une heure de remédiation suite aux passages de ceintures.
Cette année, je ne fais plus aucun commentaire écrit sur leurs productions. Ils ont, visuellement, leur compteur de réussite, découvert grâce à Marie Soulié et Sébastien Franc, ce qui leur permet en un coup d’œil de voir quelle(s) compétence(s) est/sont acquise(s), par exemple si la compétence travaillée en expression écrite est acquise, le compteur sera élevé.
Les élèves retrouvent mon appréciation orale derrière le QR code généré avec l’application Qwiqr. Ils travaillent alors en complète autonomie. Je leur rends les documents et dans un premier temps, ils prennent un Ipad et des écouteurs, scannent leur QR code Qwiqr et écoutent mon appréciation. Beaucoup d’entre eux prennent des notes, car par la suite ils devront s’engager sur un parcours de remédiation adapté à leurs besoins.
En effet, dans la rétroaction que je leur fais, j’inclus deux étapes : je souligne d’abord les points positifs et les compétences acquises et j’articule le deuxième temps du feedback autour des points à travailler en leur donnant des consignes pour choisir le parcours de remédiation qui correspondra le mieux à leurs besoins, qui leur permettra de travailler les points sur lesquels des difficultés ont été rencontrées afin de pouvoir s’autocorriger.
Après avoir pris connaissance de mon appréciation, les élèves s’engagent sur un parcours de remédiation. C’est le deuxième temps fort de la séance et c’est grâce aux outils numériques que j’ai pu construire cette étape. En corrigeant leurs ceintures, je dresse une liste de points à travailler communs à tous mes élèves mais aussi une liste plus individualisée au regard de leur production personnelle. C’est grâce à ces éléments que je vais élaborer mes activités des parcours de remédiation. Je créé les exercices avec Educaplay, c’est une application en ligne gratuite qui offre un certain nombre de possibilités dans la création d’activités (quiz/ éléments à relier/ textes à compléter…) et il y a une option « défi » qui permet de mettre cette activité en ligne et de créer un lien à partager. Cette option « défi » permet aussi à l’enseignant d’avoir un retour en direct sur les résultats des élèves et de voir qui est toujours en difficulté, j’ai donc gagné en efficacité. Je signale qu’avec les élèves, pour tenter de répondre aux exigences du RGPD, nous nous sommes mis d’accord sur les surnoms qu’ils utilisent dans cette application, par exemple Louise sera Pablo P et l’enseignant constatera que Pablo P a réussi les exercices de remédiation sur l’accentuation à 70% en 1 minute 19.
Les élèves s’engagent ensuite dans la troisième étape de la séance : l’auto-correction et le retour réflexif sur leur travail grâce à un petit tableau « Je suis capable de… / je dois travailler sur… / cela s’est mieux passer que ce que j’avais prévu ; c’est pareil ou c’est moins bien ». Après avoir revu les fiches d’aide dans le cahier, s’être entraînés sur les parcours de remédiation, ils reprennent leur devoir pour se corriger afin de valider la ceinture ou même, pour certains, de développer davantage leur production afin d’atteindre le palier supérieur.
L’utilisation des outils numériques apporte une vraie plus-value, car elle me permet vraiment d’optimiser la gestion du temps et des élèves puisque les plus à l’aise développent leur autonomie face au travail, ce qui me donne l’occasion de suivre la progression de ceux qui sont le plus en difficulté en leur fournissant des explications plus individualisées pour leur permettre d’avancer dans leur remédiation.
La construction de ces séances de remédiation est chronophage mais le retour des élèves est plutôt positif : effectivement, ils apprécient la rétroaction orale, beaucoup plus claire pour eux « Comme ça, avec vos explications en direct, on sait vraiment ce qui va ou pas Madame » R-L élève de 4ème ; les parcours de remédiation sont aussi appréciés, ils approuvent l’application Educaplay qui leur permet « de travailler tout en jouant » mais aussi de se mettre au défi les uns et les autres « J’ai battu K sur le parcours jaune des accents ! Bim ! » entendu à la sortie du cours.
J’ai pu également remarquer que cette façon de faire de la rétroaction avait commencé à changer leur vision de l’évaluation. Avec les ceintures, je leur dis régulièrement qu’un passage de ceintures, c’est l’occasion de faire un point à un moment déterminé, de voir ce qui est acquis et d’établir un plan d’action pour les compétences à travailler. Ces séances de remédiation, la possibilité de se corriger et de retenter la ceinture leur permet d’être plus sereins, « En fait, avec vous Madame, ce n’est pas pareil ! On sait qu’on peut se tromper, ce n’est pas grave parce que si c’est le cas, on va se ré-entraîner grâce aux parcours d’exercices pour se corriger à la fin donc on a moins la pression ! » classe de 4ème.
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Compte twitter : @HallezG
Article rédigé par Gaëlle Hallez, enseignante