A l’occasion de l’université d’été de Ludovia, 17ème édition, de nombreux enseignants et autres membres de la communauté éducative vont venir présenter leur expérience avec le numérique sur le thème de l’année, « Injonctions numériques : entre techno-enthousiasme et pratiques collectives ». Ludomag se propose de vous donner un avant-goût de ces ateliers jusqu’au début de l’évènement, lundi 24 août.
Antoine Chollet présentera « Enseigner à distance durant le COVID-19 : proposition d’une typologie des enseignants face à l’injonction numérique » sur la session III ENSEIGNER ET SE FORMER AU XXIÈME SIÈCLE.
Problématique pédagogique
Le 16 mars 2020, la France débute son confinement à la suite des annonces présidentielles dû au virus COVID-19. À ce moment précis, les professionnels des métiers de l’enseignement, de la maternelle jusqu’à l’université, apprennent que leur pratique va changer avec l’instauration obligatoire d’un enseignement à distance. Cette injonction à l’usage d’outils numériques pour faire cours à distance a permis de distinguer plusieurs types d’enseignants. Tout d’abord, les enseignants du type « Techno-passionné » qui utilisaient déjà différents outils pour faire cours à distance ou qui étaient habitués aux outils de communication en ligne. Ensuite, le type « Techno-enthousiaste » a permis de révéler les enseignants qui n’avaient pas ou très peu d’expériences d’enseignement en ligne mais qui ont accepté de se former et d’assurer la continuité pédagogique.
Après, le type « Techno-méfiant » regroupe les enseignants qui ont rencontré des difficultés dans l’usage du numérique vis-à-vis de leur méfiance des cours en ligne mais qui ont trouvé leur propre méthode pour continuer à faire cours. Enfin, la dernière catégorie concerne les « anti-techno », c’est à dire les enseignants qui n’ont pas assuré ou partiellement assuré les cours pour diverses raisons. Ces différentes catégories montrent la diversité des profils afin d’enseigner et de se former au XXIème siècle. Les enjeux du numérique, plébiscités par le gouvernement, qui pouvaient relever du « fantasme » par certains enseignants s’est retrouvé « réalité » durant la crise du COVID-19. Les nombreux témoignages et retours d’expérience sur les réseaux sociaux, les blogs personnels ou via les échanges entre collègues permettent de remettre en avant la place de l’enseignement à distance aujourd’hui et notamment avec la problématique suivante : en quoi l’injonction numérique de l’enseignement à distance divise-t-elle les enseignants vis-à-vis de leur métier ?
Apport du numérique
La mise en place de cours à distance a engendré deux principales réactions auprès des enseignants : un accueil enthousiaste voire passionné des cours à distance d’un côté et une méfiance voire un rejet des cours à distance de l’autre côté. Ainsi, le numérique a soit été vécu positivement par l’enseignent, soit a été subit. A priori, de nombreux facteurs permettent de pouvoir avancer les raisons et les motivations de l’enseignant à accueillir ou à subir l’injonction numérique durant la crise du COVID-19. De par un retour d’expérience personnel et du recueil de divers témoignages sur les réseaux sociaux, blogs personnels et échanges avec d’autres enseignants, ces facteurs peuvent être de trois ordres : personnel, technique ou professionnel. Néanmoins et plus globalement, la crise du COVID-19 a montré les enjeux et les risques voire les failles du numérique dans certaines pratiques pédagogiques. Ainsi, des actions d’enseignants ont permis de voir émerger des initiatives qui ont été des succès (cours en ligne, vidéos, podcast, etc), mais aussi de voir les lacunes parfois terribles d’autres enseignants qui n’ont pas su tirer le bénéfice du numérique dans cette situation exceptionnelle.
Relation avec le thème de l’édition
Avec le thème « Injonctions numériques : entre techno-enthousiasme et pratiques collectives », une analyse critique permettant de mieux comprendre les clefs de succès et les freins à l’injonction numérique semble nécessaire. En effet, il semble pertinent de se questionner sur la place du numérique dans des formations allant de la maternelle jusqu’à l’université. Dans cette analyse, un focus sera réalisé sur l’université, notamment car cette contribution fait suite à une précédente communication lors des Ludoviales 2020 et qui se nomme : « Retour d’expérience d’un enseignement en urgence et à distance à l’Université en période de crise COVID-19 : cas du logiciel Discord »[1]. Le souhait ici consiste à vouloir continuer ce premier retour d’expérience afin d’en exposer une typologie des enseignants via une analyse critique.
Synthèse et apport du retour d’usage en classe
À l’heure où l’enseignement à distance est en plein essor et favorisé, l’injonction numérique du gouvernement pour la continuité pédagogique a remis en cause un système pédagogique parfois ancestral. L’enseignant face aux apprenants, de tous âges, qui parle avec sa bouche pour diffuser son cours, montre avec ses mains pour identifier les éléments importants et guider l’apprenant et bouge avec son corps pour investir son enseignement dans un espace qui est sa classe, a vu sa pratique totalement être dématérialisée.
Autrement dit, dans un enseignement à distance, la place de l’enseignant lui-même est remis au coeur des préoccupations. Doit-il simplement conseiller l’apprenant ou au contraire être là constamment pour le guider dans les différentes étapes de son apprentissage ? En fonction du profil d’enseignant face à l’enseignement à distance (techno-passionné, techno-enthousiaste, techno-méfiant et anti-techno) où chaque professionnel de l’éducation peut se situer vis-à-vis de l’injonction numérique vécue lors du COVID-1 : quel est l’avenir pour chacun de ces profils ? Comment réduire les écarts entre les attentes de l’administration et la réalité de l’enseignement sur le terrain ? Ces nombreuses questions font écho à la problématique principale de cette communication à propos de la division du métier d’enseignant face à l’injonction numérique.
Cette contribution tente de donner des pistes de réflexion à ces interrogations. Cependant, l’objectif à terme consiste à harmoniser et à évoluer dans les pratiques pédagogiques. Dans certains établissements, notamment à l’université, la rentrée 2020-2021 se fera au format hybride (présence et en ligne). Cette réalité du XXIème siècle marque peut-être la première pierre d’une nouvelle ère où l’enseignement à distance ne sera plus « fantasme » mais « réalité quotidienne » pour la grande majorité des structures qui auront alors investi de manière conséquente en équipement technologique et en personnel pour assurer les cours en ligne. Ainsi, l’injonction numérique du COVID-19 ne serait-elle pas la pierre d’achoppement de certaines pratiques pédagogiques et d’enseignants réfractaires ? Par analogie au « publish or perish »pour le côté recherche des enseignants-chercheurs, cette situation ne marquerait-elle pas une forme future de « teach or perish »du côté pédagogique ? Dans le cas où la réponse devait être positive, l’enjeu consiste à savoir comment transférer sur le très long terme des pratiques de l’avant confinement à l’après confinement, ainsi que d’accompagner des enseignants « anti-techno », sans toutefois dénaturer le rôle de l’enseignant dans une pratique totalement numérique.
[1]Ludomag.com (2020), « Retour d’expérience d’un enseignement en urgence et à distance à l’Université en période de crise COVID-19 : cas du logiciel Discord », article publié le 23 avril 2020 et consulté le 5 juin 2020 sur : https://www.ludomag.com/2020/04/23/retour-dexperience-dun-enseignement-en-urgence-et-a-distance-a-luniversite-en-periode-de-crise-covid-19-cas-du-logiciel-discord/
Plus d’infos sur : Antoine Chollet
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