Parce qu’il est dans la vie, le numérique est dans l’école
C’est à Casablanca et plus précisément au lycée français Louis Massignon que la Mission Laïque Française organisait cette année les deuxièmes rencontres numériques du réseau Mlfmonde.
Durant trois journées, des personnels enseignants , d’encadrement et technique avec des parents, des élèves et bien sûr des experts venus de la recherche et du ministère de l’éducation nationale se sont penchés dans une démarche ouverte et prospective sur la place du numérique dans l’école .
Pour cette seconde édition le thème posait aux 190 participants venus du Maroc, d’Espagne mais également du monde entier, la question du « numérique, vecteur d’interactions » . Un thème qui s’est traduit, dans la dizaine de plénières et la cinquantaine d’ateliers dont certains animés par des élèves ou des parents, par un véritable partage horizontal d’expériences , de réussites et d’erreurs fruits de l’expérience, par une mise en commun d’analyses et de démarches dans le but de construire d’une culture commune à l’établissement, mais également au réseau.
Un premier constat pour éclairer les débats : “Les interactions sont au coeur des apprentissages et des pratiques d’enseignement , avec les pairs, avec les membres de la communauté éducative, avec les savoirs”.
Penser le projet d’établissement numérique “en outils et en ressources” c’est tout d’abord “penser de façon globale les interactions à l’oeuvre et les moyens d’une intégration réussie” et cela induit “une modification des pratiques d’enseignement comme d’apprentissage.”
Parmi celles ci on a pu noter cet atelier animé par un chef d’établissement ancien directeur de SEGPA et présentant les pratiques de classes inversées. Mais également la décision pour 17 enseignants volontaires de CM1, de 5ème et de seconde d’ouvrir leurs classes au enseignants et aux parents pour partager des pratiques induites par l’usage du numérique en classe. Jean Charles Cailliez président de l’Université catholique de Lille praticien de la classe renversée où “les étudiants font la classe” a présenté dans une conférence “renversante” quelques pistes pour rendre sa pédagogie plus interactive avec les apprenants.
Ces idées ont traversé les premières rencontres numériques organisées par MLFmonde en novembre 2018 à Saragosse avec pour thème : « Pour une vision systémique du numérique en établissement » . L’excellent rapport qui a été produit proposait des objectifs et des leviers d’action.
« Un établissement numérique n’est pas un établissement tout numérique, déshumanisé, désincarné précise-t-il … Le numérique est au service de l’établissement… Son recours est réfléchi à la lumière des apports de la recherche…, son usage se veut raisonné et responsable ».
La réflexion doit partir « des besoins pédagogiques et éducatifs pour s’engager de manière systémique et être menée avec toutes les composantes de la communauté scolaire : équipe de direction, personnels enseignants et personnels support, élève, parents ; cela implique d’identifier la culture du numérique de tous les acteurs et de prendre en compte leurs aspirations et leurs questionnements »
Cette co-construction n’est possible pour la mission laïque française que dans une « démarche de concertation est un management partagé contribuant à la culture de l’établissement. De fait, les postures de tous les acteurs sont en jeu, comme, pour les équipes de direction, la tension entre la prise de décision et la mise en place d’une concertation. Elles conduisent à des mutations de la culture scolaire et des identités professionnelles. »
La gouvernance de la MLF n’ignore pas combien « l’intégration du numérique aux pratiques pédagogiques nécessite du temps d’appropriation, d’expérimentation, d’évaluation, de généralisation » Elle affirme la nécessité d’accompagner et de valoriser ce temps d’intégration. Elle n’ignore pas non plus combien « la démarche faite d’essais et d’erreurs peut-être source d’interrogation voire de fragilisation des professeurs dans leur identité professionnelle ».
En effet le numérique semble « les faire glisser de détenteurs de savoir fini à accompagnateurs dans un accès à des informations infinies pour construire ensemble des savoirs ».
Les compétences méthodologiques des enseignants auxquelles « ils sont formés pour faire construire des compétences » deviennent alors essentielles. Mais elles nécessitent « de repenser les postures professionnelles dans la gestion de la classe » et de diversifier les pratiques pédagogiques.
Le numérique devient ainsi une véritable potentialité de “plus-value pédagogique dans plusieurs domaines tels que la différenciation, l’individualisation, l’évaluation, la coopération, les formes d’écriture, et d’expression, la construction des savoirs” .
La formation s’avère fondamentale : mais doit-elle être focalisée sur une appropriation technique ? Comment assurer la plus-value de pratiques pédagogiques prenant en compte le numérique?
Les travaux se sont déroulés dans une ambiance très détendue, chaleureuse et plutôt “familiale” comme le remarque Nicolas Le Luherne , directeur des ateliers Canopé de Beauce invité comme expert : “chacun est bien à sa place mais chacun va dans le même sens au service des élèves… La force de ce réseau c’est aussi le fait qu’on a des classes qui vont du premier degré jusqu’au lycée … et notamment sur le codage ils construisent un discours sur plusieurs années …et pour l’élève c’est plus facile… il y a un narratif construit sur plusieurs années .La stabilité du narratif dans l’instabilité des outils , c’est très important.”
Pour Michel BUR, adjoint au directeur général chef du service pédagogique de la MLF le numérique pose certes “les questions de pilotage, de changements dans les classes, dans les établissements, hors de l’école…. et donc comment bâtir une culture d’établissement ?” Mais la question qui trotte au fond depuis le début c’est bien : avec le numérique “en 2020 qu’est ce qui a changé ? Et comment on continue à nous questionner et à nous adapter en restant éveillé à cette actualité qui nous impacte tant dans nos vies personnelles et que professionnelles : “
“Refonder l’école avec le numérique, ce n’est donc ni la vassaliser ni la rafistoler pour l’accueillir comme obligation imposée de l’extérieur. C’est la construire avec un outil qu’il faut observer et apprendre à maîtriser comme une règle de vie individuelle et collective. Comme une nouvelle chance possible pour mieux élever, réunir et innover au service de la réussite et de la responsabilité de tous les élèves. Pour notre école, c’est une conversion.” écrivent les responsables de ce réseau dynamique.