Retour sur une table ronde LUDOVIA#16, dont la problématique s’articulait autour de : « Architecture scolaire : comment coopérer et s’appuyer sur l’expérience utilisateur pour enrichir le projet de la collectivité ».
Les intervenants présents étaient Alexandra Mounier (directrice adjointe du plan numérique pour l’éducation chez Yvelines numérique), David Marcos (proviseur du lycée général et technologique Henry Matisse), Laurent Helius (IA-IPR d’anglais, conseiller académique en recherche développement, innovation et expérimentation (CARDIE), Sébastien Brunet (directeur de l’ingénierie des services Réseau Canopé) et Philippe Méro (associé cabinet COPILOT-PARTNERS).
Une table ronde formidablement animée par Christophe Caron, chef de projet Archiclasse à la DNE.
Quelles démarches ?
Qu’est ce que l’expérience utilisateur peut amener dans un projet d’aménagement de l’espace scolaire ?
Un projet d’aménagement ou de réaménagement des espaces d’apprentissage suppose d’identifier les besoins et les attentes des utilisateurs finaux et de tous les acteurs concernés : élèves, enseignants, parents, personnels administratif et d’entretien… Il faut comprendre, analyser et traduire si besoin ce que chacun attend. Cela suppose un temps long et une démarche en plusieurs étapes avant de faire entrer en ligne de compte les souhaits et contraintes des commanditaires.
Réconcilier espace et temps suppose de mieux informer les acteurs, de solliciter leurs retours concernant attentes et espoirs mais aussi les dysfonctionnements.
Avec le numérique on voit des changements de postures, d’habitudes et de pratiques, cela vient de l’équipement (en tablettes par exemple) mais aussi de modalités pédagogiques plus coopératives. Ici ce sont des enseignants en sciences qui demandent à enlever les paillasses dans leurs salles pour pouvoir faire du travail collaboratif. Ailleurs une équipe enseignante voudra du mobilier mobile et des tableaux. Il faut pouvoir faire évoluer les référentiels bâtimentaires parfois anciens et bien installés.
Les espaces doivent être habités, pas standardisés, il faut qu’ils puissent s’adapter aux gens qui sont là et aux nouveaux qui vont arriver ensuite… Il est important de tenir compte de l’utilisation des salles, souvent toutes occupées en permanence qui doivent donc convenir à un maximum d’usagers. Tous les espaces sont importants : la cantine, les salles de cours, l’espace détente pour que l’espace travail soit un vrai espace de travail… même les couloirs sont importants ! Il faut de la volonté et une dynamique avec un chef d’établissement comme chef d’orchestre et en interface avec la collectivité locale.
Quelques éléments ont été évoqués pour éviter que ces investissements massifs donnent lieu à des résultats décevants :
- l’importance d’avoir un langage commun (ArchiClasse peut aider pour cela, voir partie “quel outil ?”)
- mise en place d’un système d’appel d’offre pour le mobilier où on qualifie clairement les besoins
- faire consensus à l’échelle de l’établissement, avec un projet d’établissement cohérent
- considérer l’option d’y aller par petites touches pour pouvoir revenir en arrière si besoin
- customiser du mobilier existant (ajouter des roulettes par exemple)
- prendre en compte des communautés d’utilisateurs pour éviter de juste répondre à des besoins individuels (par exemple les professeurs pratiquant la classe inversée)
Plusieurs exemples de démarches ont été citées : le hackathon (Edumix ou CDI Remix), le design thinking, Archiclasse
Quel outil ?
Nous avons eu la présentation d’ArchiLab qui sera disponible à partir de mi-septembre sur le site d’Archiclasse. Il s’agit d’un matériel qui rend plus tangible l’organisation et les formes possibles d’aménagement sans s’enfermer d’entrée dans le mobilier concret.
L’utilisation de cet outil se fait en 3 temps :
- l’expression du rêve pédagogique
- l’émergence d’un scénario d’usage de l’espace pédagogique (où la pédagogie prime) avec co-construction entre usagers et collectivité
- le projet d’aménagement illustré
Cet outil sera empruntable dans les DANE et les ateliers Canopé à partir de mi-septembre et tous les fichiers seront disponibles en open source pour que chacun puisse le fabriquer.
Quelles ressources ?
Pour mener à bien un projet d’aménagement/réaménagement, une équipe peut se faire accompagner et trouver de l’aide notamment auprès de Canopé et de sa Cardie (cellule académique en recherche-développement, innovation et expérimentation). Canopé peut aussi être sollicité directement par les collectivités locales sur la question de la prise en compte des aspects pédagogiques dans les projets. Cela peut concerner également la mise en oeuvre de techniques d’idéation, de créativité, de design thinking, de hackathon… pour accoucher d’un projet ou donner à voir ce qui se fait ailleurs dans le monde. Canopé peut enfin contribuer à accompagner et former les acteurs pour que la pédagogie évolue aussi avec les espaces. Il n’y a pas de réponse modèle, parfois le besoin relève de l’aide ponctuelle dans la rédaction d’un projet par exemple… Canopé offre son savoir faire en fonction des besoins dans chaque situation.
L’aménagement des espaces est un sujet pour la Cardie qui peut accompagner, conseiller et mettre les projets en valeur lors des journées de l’innovation locales ou nationales. Elle a aussi un rôle important dans la diffusion des projets, leur documentation et leur mise à disposition dans l’Expérithèque pour faciliter l’essaimage.
Pour partager un travail et une démarche il est possible d’écrire un article qui sera diffusé et valorisé sur le site Archiclasse.
Et l’évaluation ?
Idéalement les critères pour l’évaluation d’un projet se prévoient à l’avance dans la phase de conception. Se demander “est-ce-que c’est mieux après ?“ ne sert pas à grand chose si on n’a pas fixés de critères précis correspondants aux objectifs poursuivis. Cela peut concerner la réussite des élèves, le sentiment de bien-être dans l’établissement, l’émergence de nouvelles dynamiques, une meilleure intégration dans le quartier et la ville.
Il est essentiel que le projet continue à vivre et à évoluer, qu’il soit réajusté et de vérifier qu’il favorise l’installation de nouvelles pratiques sans provoquer une situation stérile d’affrontement “innovants” vs “réactionnaires”.
Conclusion
Il est évident pour tous les participants à cette table ronde que l’expérience utilisateur est essentielle dans la conception des espaces scolaires. Elle doit se faire à toutes les étapes du projet, d’abord en faisant dialoguer les usagers pour extraire les besoins, puis en mettant le projet à l’épreuve des utilisateurs au cours de sa conception. Cependant, la question des utilisateurs dans l’évaluation des aménagements reste encore floue après cette table ronde : les critères d’évaluation, la façon de les évaluer ont été trop peu évoqués.
Néanmoins cette table ronde a posé les bases de la méthode qui permettrait à toute collectivité de faire en sorte que ses aménagements d’infrastructures scolaires soient pertinents et efficaces.
Avec un peu plus de temps, Alexandra Mounier aurait pu nous parler de la façon dont a été mené le projet de construction d’un collège innovant à l’architecture très originale à Mantes la Jolie. L’architecture de ce collège a reposé sur 5 éléments structurants : le socle commun de compétences et de connaissances et de culture, la différenciation, avec la disparition des classes au profit de groupes multi-âges, le désir d’apprendre, avec un espace et une temporalité adaptés aux projets et aux modes de travail, et enfin l’ouverture sur la ville. Ces beaux principes fondateurs ont dû faire face à la réalité et nous aurions pu évoquer aussi les écueils rencontrés dans cette démarche.
Synthèse rédigée par Caroline Jouneau-Sion et Stéphanie de Vanssay.