Le 18 juin 2024, l’Académie des sciences a publié le rapport « Sciences : où sont les femmes ? ». La sous-représentation des femmes dans les métiers des sciences et de l’ingénierie constitue un problème majeur. Alimentant les disparités salariales, elle prive les sociétés d’une partie de leurs talents potentiels, pourtant nécessaires pour faire face à des défis environnementaux, climatiques ou encore énergétiques sans précédent.
Sous la direction d’Hélène Bouchiat, membre de l’Académie des sciences et directrice de recherche au CNRS, le groupe de travail « Femmes et science » souligne, dans ce rapport, que « la recherche scientifique se doit de pouvoir s’appuyer sur tous les talents et ce quelle que soit la discipline scientifique ». Pourtant les défis sont nombreux avant d’espérer atteindre cet objectif.
« C’est un véritable changement de paradigme que nous devons opérer, et nous devons agir collectivement. Par ce rapport, l’Académie des sciences souhaite apporter sa réflexion et ses recommandations pour corriger un déséquilibre préjudiciable à toute la société, sans oublier de regarder dans ses propres rangs comment améliorer la situation, qui n’est pas encore satisfaisante ! », analyse Alain Fischer, président de l’Académie des sciences.
« Il y a encore beaucoup de travail à faire, car si la proportion de femmes dans les sciences commence à s’approcher de la parité en début de carrière, elle chute progressivement d’un facteur deux pour arriver à un plafond de verre, qui leur réduit l’accès aux promotions, et entre autres leur entrée dans les académies », souligne Françoise Combes, vice-présidente de l’Académie des sciences, avant de poursuivre « L’Académie des sciences a choisi de mettre en valeur les jeunes femmes scientifiques, notamment en tant que partenaire du programme de la Fondation L’Oréal-UNESCO « pour les femmes et la science ».
Stéréotypes de genres et sous-représentation écartent les jeunes femmes des sciences
Des stéréotypes de genre véhiculés par l’environnement familial, scolaire et sociétal ont tendance à écarter les filles des sciences dès le début de la scolarité. Les représentations limitées et souvent inadaptées des femmes scientifiques dans les manuels scolaires alimentent ces stéréotypes. Plus tard, à l’Université ou dans les Grandes écoles, la faible proportion d’enseignantes-chercheuses en mathématiques, physique et informatique renforce leur invisibilité, tandis que cette faible représentation féminine dans ces disciplines alimente le sentiment des femmes de ne pas y être à leur place. « Des initiatives efficaces existent pour corriger cette représentation inappropriée et l’Académie des sciences a choisi de les mettre en valeur dans ce rapport, en espérant qu’elles puissent être généralisées », révèle Hélène Bouchiat.
Manque d’attractivité des carrières et « plafond de verre »
Alors que 48% des doctorats sont délivrés à des femmes, ces dernières ne représentent que 24% des postes de grade A dans le milieu académique. Le concept du « plafond de verre », symbolisant les barrières invisibles entravant l’accès des femmes qualifiées aux postes de responsabilité les plus élevés, reste ainsi une réalité concrète. Le faible nombre de femmes dans certaines disciplines scientifiques crée un cercle vicieux, où les règles visant la parité peuvent se révéler contreproductives, comme la stricte égalité dans les jurys qui surchargent les femmes déjà sous-représentées, sans améliorer leurs chances de recrutement.
La réalité des violences sexuelles et sexistes
Les violences sexuelles et sexistes persistantes au sein de la société n’épargnent pas le milieu scientifique. Les chiffres sont alarmants : selon un sondage mené par Ipsos en 2022 pour la Fondation L’Oréal, près d’une femme scientifique sur deux déclare avoir été confrontée à une situation de harcèlement sexuel sur son lieu de travail. Consciente que la question de la parité est l’affaire de tous, l’Académie des sciences souhaite, à travers ce rapport et ses diverses actions, réaffirmer son engagement pour promouvoir un environnement d’étude et de travail respectant la liberté de chacun et l’égalité des chances pour tous.
Des actions pour créer un environnement de recherche plus inclusif
Améliorer l’équilibre entre vie professionnelle scientifique et vie de famille est possible et plusieurs solutions sont proposées par la communauté scientifique. Ces mesures incluent le report des dates limites pour les candidatures en fonction de la durée du congé parental, le recrutement précoce et continu dans des postes juniors pour intégrer les jeunes scientifiques dans des équipes, et un soutien aux jeunes parents par des décharges d’enseignement ou une aide technique au laboratoire.
L’Académie des sciences soutient les dispositifs de mentorat permettant d’accompagner les nouvelles recrues, en s’inspirant des initiatives de la commission « Femmes et Physique » de la Société Française de Physique. Aussi, à l’instar du CNRS, l’Académie recommande de veiller à combattre l’auto-censure des femmes dans la recherche et de soutenir la mise en place d’un suivi des carrières des universitaires et des chercheuses.
Ces actions visent à créer un environnement de recherche plus inclusif et compatible avec une vie personnelle épanouie.
Source : Académie des sciences, communiqué de presse du 18 juin 2024