Avec l’illustrateur Eric, alias Cirebox, nous avons été chargé de proposer la synthèse de l’édition #19. Pendant deux jours, nous avons ainsi pu doubler notre capacité d’écoute, croiser nos regards et produire une synthèse dessinée, la première de Ludovia. En voici les sous-titres.
Retour sur notre synthèse
Nous commençons en haut à gauche, avec le début de la 19ème édition Ludovia. Nous y avons représenté deux Ludoviens, souriants et en short. Mais, nous avons également voulu rappeler que Ludovia venait clore un été chargé d’orages, de sécheresse et de pénuries d’eau. Comme pour marquer nos esprits. Mission accomplie, puisque de nombreux interlocuteurs ont invoqué cet « été terrible ». Comme un avertissement de ce qui pourrait nous attendre si nous n’agissions pas assez vite, pas assez fort.
Nous avons représenté le thème, éthique et sobriété numérique. L’adjectif numérique pour qualifier l’éthique et la sobriété, c’était une gageure. Nous l’avons donc isolé, sur un écran… numérique dont nous avons tenté de rendre visible la matérialité. Les composants (Cobalt, Nickel, Lithium), le réseau wifi, les branchements électriques et toutes les infrastructures associées.
Le constat
Pour établir le constat, l’introduction de Audran le Baron, suivi de la conférence inaugurale constituèrent deux morceaux de choix.
La conférence inaugurale faisait intervenir Vincent Courboulay, directeur scientifique de l’Institut du numérique responsable, et Perrine Douhéret, chargée de projet (engagée) à la DRANE de Lyon. Nous avons pu apprécier la pédagogie « catastrophiste mais pas trop » de Vincent et sa manière de dézoomer de la situation française, pour comprendre la complexité d’un écosystème international. Perrine nous a ensuite fait rêver des capacités d’engagement des enseignants et de leurs élèves pour un numérique plus responsable, utile, intelligent. Une bouffée d’air après un constat bien pesant.
Et ce constat alors ? Côté sobriété, nous avons évoqué la fin du d’un monde, l’immense problème de l’extraction des matières premières (pollution environnementale et conditions de travail inhumaines), la consommation en électricité (mais aussi en eau !) des datacenters, les énormes problèmes du recyclage, etc. Côté éthique, nous avons beaucoup parlé d’IA et de ses biais. Mais aussi de l’explicabilité d’une IA dont l’apprentissage serait autonome (par les techniques d’apprentissages profonds notamment). Nous avons également parlé de la protection des données.
Nous avons évoqué les nombreuses injonctions contradictoires. Et discuté (trop rapidement) de la tension entre l’éthique et la loi. Il fut question de citoyenneté numérique. Voilà pour le constat. Plutôt pesant, donc.
Les pistes
Nous avons voulu symboliser l’idée de pistes par une route longue, sinueuse, accouchant d’une montagne. La montagne, c’est pour illustrer le fait que les efforts demandés vont augmenter. Le sommet de cette montagne, symbolisé par l’édition #42 de Ludovia, a fait réagir. « Il nous faudrait tant de temps ? » En vérité, nous n’y avions pas réellement réfléchi. Mais, au rythme où les choses avancent, compte tenu du changement de logiciel qui semble inéluctable, oui, c’est peut-être le temps qu’il nous faudra.
Le long de cette piste, un individu s’avance seul, puis il rejoint un collectif durant son cheminement. C’était notre manière d’illustrer qu’en matière de numérique responsable ou d’écologie, les écogestes, les gestes individuels ne suffisent pas, et qu’ils doivent nécessairement mener vers des gestes collectifs, donc politiques.
Voilà pour la partie illustrée. Textuellement, nous avons décidé de nous concentrer sur 3 pistes :
- Appliquer les 5R, une méthode qui a le mérite immense de la simplicité. Il s’agit de réparer, recycler, réduire, réutiliser, mais également, et surtout, refuser !
- Labelliser les établissements, à la manière de ce qu’a initié Perrine Douhéret dans l’académie de Lyon, en partenariat avec l’INR. Ça, c’est pour les écogestes.
- Former le citoyen de demain. Ça, c’est pour le collectif et la politisation des enjeux liés au numérique (en l’occurrence sa soutenabilité environnementale et humaine). À mes yeux, c’est la piste la plus importante et la plus complexe à mettre en œuvre.
Les questions
Enfin, nous avons senti au fur et à mesure de notre travail que la thématique faisait phosphorer les participants de Ludovia, des questions pointaient. Nous avons voulu donner une place à ces questions.
La question de l’utilité, posée d’entrée de jeu par Audran le Baron dans son introduction. N’utiliser le numérique que lorsqu’il est utile. N’acheter que des équipements numériques utiles. Mais qui décide que tel numérique est utile ou non ?
La question du curseur s’est également invitée plusieurs fois dans les discussions. Plusieurs fois, nous avons entendu qu’à force de sobriété, ce serait l’austérité (d’où un petit clin d’œil en haut à gauche sur notre Ludovien qui joue à pile ou face avec l’austérité et l’opulence).
Une dernière question est venue ponctuer cette édition de Ludovia. C’est la peur de caler dans ce que l’on appelle communément le numérique éducatif. Au milieu des dynamiques des Territoires numériques éducatifs, de multiples PIA ou autres appels à projets, comment prendre un virage net, voire ralentir, sans revenir sur ce qui a été (péniblement) construit ?
L’extérieur de la bulle
Enfin, nous avons représenté toute cette réflexion dans une bulle, symbolisant le risque bien connu de l’entre-soi dans des manifestations comme Ludovia. Hors de cette bulle, des problématiques qui traversent la société et le monde éducatif : le malaise des enseignants, des jeunes, de la démocratie. Les inégalités (et donc la question de savoir sur qui devront porter les efforts de sobriété). Et la société (numérique) dans son ensemble, dans sa réalité, dans sa complexité.
Article rédigé par Louis Derrac, publié également avec des remarques personnelles sur louisderrac.com