Comme l’explique Plantard (2014), les enfants, ayant pourtant accès dès leur plus jeune âge aux outils numériques, ont inévitablement besoin d’être formés à leurs usages.
L’utilisation de ces outils dans un contexte pédagogique n’est pas innée chez nos « digital natives ». Cordier (2015) appuie cette affirmation en précisant que l’école doit, aussi en matière numérique, réduire les inégalités sociales. Les enseignants sont à présent chargés de faire apprendre et comprendre des savoirs numériques et font partie d’un triangle, inspiré du modèle d’Houssaye (1988), intégrant l’élève et les ressources numériques. Dans le cadre de ces apprentissages de base, il est attendu dans les référentiels que les apprenants comprennent l’organisation d’internet, le classement des résultats obtenus sur un moteur de recherche mais aussi le fonctionnement des algorithmes pour qu’ils développent des compétences numériques. Il est donc prévu d’assurer la maîtrise et l’utilisation d’un vocabulaire numérique spécifique. Ces savoirs à acquérir exigent d’être appris car ils figurent dans les référentiels de l’enseignement obligatoire.
C’est dans cette optique qu’un dispositif d’apprentissage, intitulé «La chasse aux numérimots», a été créé à l’attention des enseignants afin de répondre aux attendus prescrits dans le référentiel de formation manuelle, technique, technologique et numérique (référentiel FMTTN) en termes de savoirs devant être acquis en troisième et quatrième années primaires (9-10 ans, CE2-CM1). Des phases de jeux en équipe ou par binôme ainsi que des moments collaboratifs rythment les différentes séquences pédagogiques que propose cette ressource. Ce dispositif tient compte également des contraintes matérielles qui peuvent être rencontrées actuellement sur le terrain par les enseignants du primaire en se structurant en activités ludiques débranchées, qui ne nécessitent donc aucun matériel numérique. De ce fait, il permet également à ses utilisateurs d’expérimenter une situation de sobriété numérique grâce à laquelle ils prennent conscience qu’il est possible de travailler des compétences numériques sans outils numériques.
Apport du numérique :
Pour les élèves :
Ce dispositif permet aux apprenants de s’initier à l’univers numérique non pas grâce à l’utilisation d’outils numériques mais par l’acquisition d’un vocabulaire numérique spécifique aux réseau, software et hardware. Ces savoirs sont des prérequis essentiels aux futurs apprentissages tels que la recherche d’informations en ligne, l’organisation et la gestion des données numériques ou encore l’utilisation d’outils de création de contenu.
Pour les enseignants :
« La chasse aux numérimots » est disponible sur un site créé par nos soins afin d’être accessible gratuitement pour les enseignants qui le souhaitent. Tous les documents nécessaires aux activités sont prévus ainsi qu’une fiche méthodologique. Le matériel créé est réutilisable gratuitement. Ce dispositif est également adaptable à d’autres contenus en reproduisant sa structure pour traiter d’autres thématiques comme la protection des données personnelles, la culture numérique, l’éthique ou encore la sobriété numérique.
Relation avec le thème de l’édition :
L’éducation au numérique a fait son apparition dans les programmes scolaires dès l’enseignement primaire. A présent, les enseignants se trouvent face à un défi de taille, enseigner les compétences numériques tout en respectant une forme de sobriété numérique. La chasse aux numérimots est un des (rares) dispositifs disponibles pour les professionnels de l’éducation afin de les aider à relever ce défi. En effet, il développe chez les apprenants des prérequis nécessaires à l’usage des outils numériques en toute sobriété, puisqu’il s’agit d’un dispositif débranché.
Apprenants et enseignants peuvent dès lors aussi prendre conscience que l’univers du numérique ne repose pas uniquement sur l’utilisation d’outils numériques. Des dispositifs tels que celui présenté, respectueux de l’éthique et de la sobriété numérique, développant l’esprit critique des apprenants, permettent des apprentissages liés à l’usage de ces outils numériques.
La présentation de cette ressource lors d’un Explorcamps a pour objectif de mettre en évidence son principal avantage : elle peut être adaptée par les enseignants en fonction des diverses thématiques liées à l’éducation au numérique telles que le numérique responsable, la Nétiquette, l’identité numérique, la prévention contre les risques relatifs à la protection des données ou des personnes, etc …
Synthèse et apport du retour d’usage en classe :
Le dispositif “La chasse aux numérimots” a été expérimenté auprès d’un public composé de septante et un élèves âgés de 9 à 10 ans répartis dans des classes de troisième et quatrième primaires (CE2- CM1).
Les quatre séquences qui le structurent permettent aux élèves de (re)définir, de maîtriser et d’utiliser en contexte des termes du vocabulaire numérique spécifique aux réseau, software et hardware. A travers ce dispositif, les apprenants ont la possibilité de mobiliser les prérequis quant à leur représentations liées à l’univers d’internet pour commencer. Ils poursuivent par la (re)découverte et l’appropriation du vocabulaire numérique lors d’une chasse au numérimots par équipe de trois ou quatre élèves (Séquence 1). Ensuite, ils sont invités, toujours par équipe, à classer les mots découverts et à les utiliser pour compléter un texte lacunaire afin de les utiliser en contexte (séquence 2). La séquence 3 permet de jouer en binôme avec des flashcards afin de favoriser la mémorisation des mots et leur définition. Ils ont enfin (Séquence 4) la possibilité de compléter individuellement une grille de mots croisés avant une évaluation finale. Des outils de différenciation sont prévus pour chaque activité comme des indices servant de relances, des grilles de mots-croisés différenciées (avec ou sans illustration, avec ou sans lettre) en encore le tutorat entre pairs.
L’analyse des différentes données récoltées lors de l’expérimentation permet d’affirmer que le dispositif a un impact significatif sur la maîtrise du vocabulaire numérique spécifique ciblé des apprenants. En effet, le gain relatif du groupe d’élèves de troisième primaire est de 46,18 % et celui du groupe d’élèves de quatrième primaire s’élève à 57,47 %. Ces gains relatifs, supérieurs à 30 %,recommandés par Gérard, Braibant & Bouvy (2006) pour considérer une progression importante des sujets, confirment un effet d’apprentissage. Ceci corrobore le fait que l’acquisition de ces attendus quant à vocabulaire numérique spécifique exige un apprentissage et n’est pas innée chez un public de « digital natives ».
Il a également été mis en évidence que ce dispositif, incluant des phases de différenciation et des phases collaboratives, permettait de réduire les écarts entre les élèves de quatrième année par l’observation du taux d’hétérogénéité. En effet, le coefficient de variation se réduit entre le prétest (27,28%) et le posttest (17,83%). Pour les élèves de troisième année, ce taux d’hétérogénéité reste stable (CV prétest = 40,23% & CV posttest = 40,99%). Ceci nous permet de démontrer que le dispositif n’intensifie pas les écarts entre ces élèves mais il ne les réduit pas non plus.
Enfin, les données qualitatives récoltées par l’analyse des discours des apprenants lors d’interviews réalisées en fin d’expérimentation sur base d’une grille d’entretien révèlent que leur perception à l’égard de ce dispositif est positive. Tous ont apprécié le fait d’apprendre en s’amusant et par équipe de nouvelles notions, jusque-là rarement abordées à l’école. Ils confient même leur envie de réitérer ce genre d’apprentissage concernant l’éducation au numérique.
Le bilan de l’expérimentation de ce dispositif en classe est donc favorable aux élèves quant à leurs performances, leur motivation et leur implication dans les tâches.
Bibliographie
Cordier, A. (2015). Grandir connectés. Les adolescents et la recherche d’information. Revue française de pédagogie, 193, 107-108. Consulté à l’adresse journals.openedition.org/rfp/4914
Lombard, F. (2007). Du triangle de Houssaye au tétraèdre des TIC : comprendre les interactions entre les savoirs d’expérience et ceux de recherche. Dans : Bernadette Charlier éd., Transformation des regards sur la recherche en technologie de l’éducation (pp. 137-154). Louvain-la-Neuve : De Boeck Supérieur. Consulté à l’adresse doi.org/10.3917/dbu.charl.2007.01.0137
Plantard, P. (2014). Anthropologie des usages numériques (Doctoral dissertation). Université de Nantes. Consulté à l’adresse halshs.archives-ouvertes.fr/tel-01164360
À l’occasion de l’université d’été de Ludovia, 19ème édition, de nombreux enseignants et autres membres de la communauté éducative vont venir présenter leur expérience avec le numérique sur le thème de l’année, « Éthique et Sobriété numérique en éducation ». Ludomag se propose de vous donner un avant-goût de ces ateliers jusqu’au début de l’évènement, lundi 22 août.
Anne-Cécile Housiau et Pauline Marchal présenteront l’atelier explorcamp « Initiation à l’univers numérique par la (re)découverte et la maîtrise d’un vocabulaire numérique spécifique… en toute sobriété » sur la session II « L’ACCÈS AUX RESSOURCES ET AUX CONTENUS PÉDAGOGIQUES DANS UN ENVIRONNEMENT ÉTHIQUE ET NUMÉRIQUE » mardi 23 août après-midi.
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