Pour son édition 2022, le Colloque scientifique Ludovia, lieu d’échanges et de réflexions, poursuit son exploration des problématiques posées par le numérique dans les pratiques éducatives et/ou ludiques en convoquant des approches pluridisciplinaires (sciences de l’éducation, sciences cognitives, sciences de l’information et de la communication, arts, informatique, etc.).
Après les problématiques de l’immersion (2006), de la convivialité (2007), du faire soi-même (2008), espace(s) et mémoire(s) (2009), interactivité et interactions (2010), de la mobilité (2011), du plaisir (2012), de l’imaginaire (2013), de la création et de la consommation (2014), des appropriations et détournements (2015), des formes d’attention, de présence et d’engagement (2016), du partage, de l’échange, de la contribution et de la participation (2017), des institutions (2018), des représentations (2019), des injonctions (2020), du social (2021) nous proposons pour l’année 2022, d’évoquer la thématique associant :
Éthique et numérique
Les questionnements associant l’éthique et le numérique font florès dans l’espace social, les organisations et les institutions (Agostinelli, 2005 ; Balicco et al., 2018 ; Breton et al., 2007 ; Germain et Tessier, 2022 ; Naudet, 2016 ; Poullet, 2020). L’appropriation des données (Ginouvès et Gras, 2018), leurs manipulations souterraines ou peu compréhensibles pour la plupart des citoyens – phénomène généralement regroupé sous le vocable de big datas – (Cardon, 2015), les croisements de fichiers des services publics à l’heure de la pandémie et la dissémination de fausses informations sur les réseaux ne sont quelques-uns des vecteurs qui alimentent des interrogations collectives. Toutes pourraient avoir en commun la nostalgie d’un vivre ensemble dénué d’intentions cachées, d’un temps où un contrat se scellait par une parole ou une poignée de main, d’un espace de confiance et de bonnes pratiques, d’éthique, de responsabilité (Bauman, 2008/2009 ; Lipovetsky, 1992 ; MacIntyre, 1981/2013 ; Renaut, 2011).
Pourtant, si ces questionnements se traduisent massivement par des discours, des revendications et des actions de résistance (Gayets, 2018 ; Hagège, 2015 ; Rosa, 2018/2021 ; Stiegler et Ars Industrialis, 2006), leur gradient ne suffit pas à endiguer les flux d’activités médiés par des interfaces numériques. Le commerce en ligne, le recours aux services publics via Internet, la multiplication des groupes privés et les comportements de nature médiatiques ont fortement pénétré le champ des activités, que ce soit par contrainte, par appétence ou par assimilation. Force est de constater que derrière les pratiques et les usages du numérique sourd une hésitation, une retenue ; comme si recourir au numérique engageait sur une pente glissante ou encore entrouvrait la porte du risque d’un non-respect généralisé de l’éthique, de la déontologie, du respect d’autrui, de la vie privée et de l’intimité.
Il est possible que le numérique n’ait fait qu’accentuer des phénomènes déjà existants. Après tout, les réseaux sociaux fonctionnaient avant l’apparition de leurs versions informatisées sur Internet, des fichiers de données clients étaient déjà réalisés pour effectuer des études marketing, des prospections par fax, par téléphone ou en présentiel par des représentants en porte à porte quadrillaient le territoire (Wolton, 2012/2015). Tous ces éléments ont interpellé tel ou tel auteur à propos de l’autorité, de la bienveillance, de la transparence, des finalités, des forces et des tensions générées par les usages, etc. (Cardon, 2010 ; Loveluck, 2015 ; Mathias, 2008). Pourtant, quelque chose semble avoir changé avec le numérique. Les temporalités et la dimension des zones d’influence engendreraient des rapports inédits entre l’échelle dans laquelle s’inscrivent le dispositif et l’éthique attendue. De même, alors que les outils immatériels ont pu être présentés comme « bons pour l’environnement » par le passé, voici qu’il faudrait désormais s’interroger sur l’impact énergétique de la consommation d’information et de stockage en ligne.
C’est pourquoi Ludovia, colloque scientifique et université d’été, souhaite interroger les manifestations et les processus émergents de l’éthique et du numérique dans leur diversité et leurs enjeux sous-jacents. Ces questionnements rassembleront des intervenants issus des communautés de chercheurs de diverses disciplines et des gens de métier en éducation, art, information, communication, etc.
Les propositions de communication, sans être exhaustif, peuvent concerner les domaines suivants :
- En éducation, une réflexion sur les pratiques, usages et utilisations numériques au regard de paramètres éthiques tant comme hub social éducatif (Gobert, 2020) que dans les finalités de l’apprentissage et des thématiques abordées dans le contexte de la classe et de l’école extra-muros .
- En ingénierie pédagogique, que nous dissocions du volet « éducation » dans un contexte où se multiplient les recrutements d’ingénieurs spécialisés dans le domaine et portent une culture d’innovation personnelle avec les outils tels que Moodle ou autres.
- Le domaine des jeux vidéo est un champ particulièrement soumis aux débats moraux (Tessier et Saint-Martin, 2020), entre violence, sexismes, addiction ou infobésité auxquelles d’aucuns opposent des vertus pédagogiques, voire thérapeutiques.
- En esthétique, où des valeurs anciennes telles que la pérennité des œuvres et les formes narratives et expositionnelles sont bousculées par le numérique (Cardon, 2019). Ces ruptures sont potentiellement considérées au regard de formes d’éthique liées aux représentations de la valeur des productions graphiques.
- En ce qui concerne la question des représentations de soi, sur soi et pour soi (Chardel, 2020 ; Doueihi, 2013) dans les organisations qui appelle et répond à des conduites et des perceptions de natures médiatiques voire fictionnelles en ligne.
- En sciences humaines et plus particulièrement dans les humanités numériques (Vinck, 2016/2020) et de l’irruption de méthodologies spécifiques liées au big data et à l’importation de données massives qui renversent les paradigmes de travail du chercheur ne construit ses procédés de récolte des matériaux à analyser mais puise dans des corpus déjà réalisés.
Ces questionnements sont des pistes non exclusives de réflexion. Toutes les propositions questionnant la dimension injonctive des applications du monde numérique seront bienvenues.
LUDOVIA 2022 – ORGANISATION DU COLLOQUE SCIENTIFIQUE
Modalités de soumission
Les propositions doivent être soumises jusqu’au 25 avril 2022 sur le site Sciencesconf, rubrique Nouveau Dépôt :
https://ludovia2022.sciencesconf.org/submission/submit
La proposition livrée comportera 3 500 caractères maximum. Outre le résumé de la communication, elle indiquera le statut et les titres du ou des auteur(s) et la section scientifique de rattachement. Le résumé explicitera la méthode appliquée, le terrain d’expérimentation (s’il y a lieu) et les références.
La réception de chaque proposition donnera lieu à un accusé de réception par courriel.
Organisation de la sélection
La lecture des propositions se fera en double aveugle (deux lecteurs, ne disposant que du texte de la communication, sans les mentions liées à son auteur), l’un des lecteurs étant issu du champ de recherche correspondant à l’article, l’autre éventuellement extérieur.
Chaque auteur recevra un avis circonstancié qui indiquera l’acceptation (conditionnée ou non), ou le refus de l’article. Les propositions acceptées sous condition devront être modifiées en fonction des remarques des lecteurs.
Modalités techniques
L’article définitif devra respecter les conventions typographiques et de mise en page qui seront envoyées dans une feuille de style type lors de l’acceptation de la proposition.
La taille de l’article sera comprise entre 25 000 et 30 000 signes, espaces comprises.
Il sera envoyé par voie électronique sous la forme d’un fichier au format .doc, .rtf ou .odt, contenant le titre, le résumé, le texte et, le cas échéant, ses illustrations, numérotées de façon incrémentielle (figure 1, figure 2, etc.).
Participation au colloque
Les auteurs retenus seront conviés à venir présenter leurs travaux à Ax-les-Thermes dans le cadre d’une communication orale de 20 minutes.
Ludovia ne prend pas en charge les frais de transport et d’hébergement des communicants.
La publication dans les actes est conditionnée à la participation au colloque.
Publication
- Les résumés des articles acceptés, notes biographiques et de positionnement scientifique seront publiés avant le colloque sur le site de l’université d’été Ludovia : ludovia.fr
- Les articles seront publiés par voie électronique après le colloque dans l’espace de publication du site Web de « Culture numérique»
- Une publication scientifique ultérieure s’appuyant sur les arguments de cet appel sera proposée dans une revue scientifique qualifiante.
Calendrier (dates importantes)
- Date limite de soumission : 25 avril 2022.
- Notification d’acceptation des propositions : 25 mai 2021.
- Colloque: du 22 au 25 août 2022.
- Remise des textes complets pour publication (30 000 signes maximum) : avant le 20 décembre 2022.
En savoir plus – contacts
Pour de plus amples renseignements sur l’appel à communications, vous pouvez nous contacter par l’adresse de réception des communications :
Les informations ultérieures concernant le Colloque, seront diffusées :
- Pour les aspects matériels (inscriptions, hébergement), sur le site : ludovia.fr
- Pour les aspects scientifiques, sur le site : ludovia2022.sciencesconf.org/
Télécharger l’appel à communications scientifiques => AAC_Ludovia_2022
Suggestions bibliographiques
Agostinelli, S. (dir.). (2005). L’éthique des situations de communication numérique. Paris : L’Harmattan.
Balicco, L., Broudoux, E., Chartron, G., Clavier, V. et Pailliart, I. (2018). L’éthique en contexte info-communicationnel numérique. Déontologie, régulation, algorithme, espace public. Paris : De Boeck Supérieur.
Bauman, Z. (2008-2009). L’éthique a-t-elle une chance dans un monde de consommateurs ? Paris : Climats.
Breton, P., Henry, C., Le Crosnier, H., Mathias, P., Missonier, S., Pérez, P., Peugeot, V. et Soriano, P. (2007). Éthique et solidarité humaine à l’âge des réseaux. Paris : L’Harmattan.
Cardon, D. (2010). La démocratie Internet. Promesses et limites. Paris : Seuil et La République des Idées.
Cardon, D. (2015). A quoi rêvent les algorithmes. Nos vies à l’heure des big data. Paris : Seuil / La République des idées.
Cardon, D. (2019). Culture numérique. Paris : Presses de Sciences Po.
Chardel, P.-A. (2020). L’empire du signal. De l’écrit aux écrans. Paris : CNRS Éditions.
Doueihi, M. (2013). Qu’est-ce que le numérique ? Paris : Presses Universitaires de France.
Gayets, M. (2018). La grande dépossession. Pour une éthique numérique européenne. Paris : Fondation Jean Jaurès.
Germain, É. et Tessier, C.(dir.). (2022). Une éthique du numérique : pour quoi faire ? Paris : Presses Universitaires de France.
Ginouvès, V. et Gras, I. (2018). La diffusion numérique des données SHS. Guide des bonnes pratiques éthiques et juridiques. Aix-en-Provence : Presses de l’Université de Provence.
Gobert, T. (2020), « Hubs sociaux et espaces de partage, d’échange, de participation, de contributions », Interfaces numériques, vol. 8, n° 2/2020, tome II, www.unilim.fr/interfaces-numeriques/index.php?id=4196
Hagège, C. (2015). L’éthique de l’internet face au nouveau monde numérique. Mais Qui Garde Les Gardes ? Paris : L’Harmattan.
Lipovetsky, G. (1992). Le crépuscule du devoir. L’éthique indolore des nouveaux temps démocratiques. Paris : Gallimard.
Loveluck, B. (2015). Réseaux, libertés et contrôle. Une généalogie politique d’Internet. Paris : Armand Colin.
MacIntyre, A. (1981/2013). Après la vertu. Étude de théorie morale. Paris : Presses Universitaires de France.
Mathias, P. (2008). Des libertés numériques. Notre liberté est-elle menacée par l’Internet ? Paris : Presses Universitaires de France.
Naudet, J.-Y. (dir.). (2016). Éthique et numérique. Aix-en-Provence : Presses Universitaires d’Aix-Marseille.
Ogien, R. (2007). L’éthique aujourd’hui. Maximalistes et minimalistes. Paris : Gallimard.
Poullet, Y. (2020). Éthique et droits de l’Homme dans notre société du numérique. Paris : Académie royale de Belgique.
Prairat, E. (2014). Les mots pour penser l’éthique. Nancy : Presses Universitaires de Nancy.
Rawls, J. (1993-2000). Justice et démocratie. Paris : Seuil.
Renaut, A. (2011). Quelle éthique pour nos démocraties ? Paris : Buchet-Chastel.
Rosa, H. (2018/2021). Remède à l’accélération. Impressions d’un voyage en Chine et autres textes sur la résonance. Paris : Flammarion.
Stiegler, B., & Ars Industrialis. (2006). Réenchanter le monde. La valeur esprit contre le populisme industriel. Paris : Flammarion.
Tessier, L. et Saint-Martin, A. (dir.) (2020). Les dossiers de l’écran. Controverses, paniques morales et usages éducatifs des écrans. Paris : Éditions du Croquant.
Tronto, J. (1993/2009). Un monde vulnérable. Pour une politique du care. Paris : La Découverte.
Vallancien, G. (2017). Homo Artificialis. Plaidoyer pour un humanisme numérique. Paris : Michalon.
Vinck, D. (2016/2020). Humanités numériques. La culture face aux nouvelles technologies. Paris : Le Cavalier Bleu.
Wolton, D. (2012-2015). La communication, les hommes et la politique. Paris : CNRS Éditions.