Alors que nous venons de passer plusieurs confinements successifs avec des périodes d’enseignement à distance, d’organisation de webinaires et de visio-conférences en tout genre, la Direction Numérique pour l’Éducation est au travail depuis plusieurs mois sur l’outil “BBB“.
Que se cache-t-il derrière ces trois lettres ?
Il était une fois…le confinement
Tout est parti du premier confinement de mars 2020, où la continuité pédagogique a été en partie assurée par le CNED ; celui-ci était déjà prêt face à cette situation puisqu’il avait mis en place des outils, notamment pour les lycées français en Chine ou encore en Italie, touchés avant nous par la pandémie.
« Le Ministre avait chargé le CNED, d’organiser l’enseignement à distance en cas de situation de confinement », explique Laurent Le Prieur, sous-directeur du Socle Numérique à la Direction du Numérique pour l’Éducation, Ministère de l’Éducation Nationale, de la Jeunesse et des sports.
« Le CNED a donc fourni une solution de classe virtuelle basée sur un logiciel d’éditeur américain, Blackboard, hébergé chez Amazon » .
Cette solution a donné lieu notamment à quelques “chahuts numériques“ et à des intrusions d’élèves hors classe, ce qui a pu perturber les enseignants un peu démunis mais qui s’étaient néanmoins emparés de l’outil.
Pendant ce confinement, Laurent Le Prieur avoue que, même les outils de réunion, réunions qui étaient démultipliées il faut le noter, n’étaient pas des plus adaptés, en situation de confinement comme nous l’avons connu.
« Nous nous sommes donc mis rapidement en quête d’une nouvelle solution à mettre en œuvre dans le Cloud, en s’appuyant sur un hébergeur français, pour tester cette solution à des fins de sécurisation de réunions importantes pour les cadres de l’enseignement ou pour les recteurs, par exemple », explique-t-il.
Cette solution, issue d’un projet universitaire à la base, est un logiciel libre édité par une société canadienne. Elle permet l’organisation de classes virtuelles ou webinaires par exemple, avec des fonctionnalités au-delà de ce qu’on peut trouver chez des outils classiques de visioconférence (type Webex ou Microsoft Teams, pour ne citer qu’eux).
« Riche de cette expérience, nous avons eu une commande, en juin 2020, de la part du cabinet du ministre et de notre directeur de l’époque à la DNE, Jean-Marc Merriaux, de disposer d’un outil souverain, pour des réunions et des classes virtuelles » .
« La sous-direction DNE Socle Numérique a donc lancé à l’été 2020, l’industrialisation de la solution “BBB“ : Big Blue Button » .
Et le “BBB“ est né…
Le premier service pour tous les agents a été livré en novembre 2020 et s’adressait à une utilisation hors cadre pédagogique pour assurer des réunions ou des webinaires.
Il s’agit du service de web-conférence pour les agents du ministère de l’Éducation Nationale, de la Jeunesse et des Sports qui peut accueillir jusqu’à 40 000 personnes en simultané ; ce projet est construit conjointement avec la Direction interministérielle du Numérique.
Ce nouvel outil n’avait pas pour vocation, au départ, de remplacer l’outil Blackboard, alors en place dans les établissements scolaires via la solution du CNED.
« Nous sommes d’abord passés par une phase de test à destination de quelques enseignants et des DANE dans les académies, pour qu’ils puissent nous faire remonter des premiers retours d’expérience » .
Depuis cet été 2021, le service de Laurent Le Prieur travaille à industrialiser la solution BBB pour offrir une solution souveraine de classe virtuelle aux enseignants.
« Nous avons donc déployé depuis la rentrée, une déclinaison de BigBlueButton, pour chacune des Régions Académiques » .
Offrir une solution nationale de classe virtuelle avec une capacité d’accueil d’un nombre très important de participants (enseignants et leurs élèves), pose quelques défis technologiques.
Une solution française, hébergée en France, pour l’enseignement à distance et bien plus encore…
Aujourd’hui, deux services sont opérationnels : Visioagents pour l’Education Nationale et Webinaire porté avec la DINUM pour tous les agents de l’Etat.
« Si les services pour assurer les réunions classiques sont opérationnels et mis largement à disposition, nous entrons dans une phase où nous souhaitons vérifier que le remplacement de Blackboard, par l’outil BigBlueButton correspond aux usages et aux attentes pour la tenue de classes virtuelles » .
Cela passe par la prise en compte de l’expérience utilisateurs avec des enseignants et des élèves « de manière à vérifier l’adéquation de la solution dans le parcours de préparation d’une classe et son organisation, de façon à vérifier que la mise à disposition de la solution correspond bien à leurs besoins » .
Il précise également que la fin d’année 2021 et début 2022 sera une période où les 2 solutions seront encore actives en parallèle, ce qui permettra de recueillir l’expérience des utilisateurs sur BigBlueButton et d’opérer la transition.
L’objectif est qu’à la rentrée 2022, le seul outil qui sera proposé pour les classes virtuelles sera le “BBB“, opéré par la DNE, sur un Cloud souverain, chez un hébergeur français » .
Au-delà de la solution souveraine, le “BBB“ affiche quelques fonctionnalités +++
La solution proposée actuellement par le CNED ne laisse à l’enseignant que la possibilité d’une seule classe virtuelle ; avec le service “BBB“, vous pourrez créer plusieurs classes virtuelles et même proposer un travail en petits groupes.
« L’enseignant pourra ainsi avoir autant de classes virtuelles que de classes en responsabilité » , précise Laurent Le Prieur.
L’enseignant pourra également préparer son travail en amont. S’il souhaite insérer des documents, des vidéos, des photos qu’il veut montrer à ses élèves, il pourra tout à fait le faire avant la séance, en organisant sa classe virtuelle.
Cette nouvelle plateforme permet en effet de diffuser une vidéo à tous les élèves.
Et mieux, pour déposer leur vidéo, les enseignants peuvent désormais le faire sur Peertube, une solution qui fait partie des nouveaux services développés par Services Numériques partagés sur Apps.education.fr
« Peertube est une plateforme comme Youtube, qui permet aux enseignants de déposer des vidéos, notamment celles qu’ils ont créées pendant les différents confinements ou qu’ils souhaitent partager dans leurs pratiques ; et nous avons rendu Peertube compatible avec “Big Blue Button“ » , ajoute Laurent Le Prieur.
Dans la phase expérimentale qui est en cours, on assiste également à une utilisation du service “BBB“ pour le dispositif “Devoirs Faits“ ; c’est le cas dans l’académie de Nice. « On voit donc que cet usage numérique s’est prolongé, indépendamment de la crise que nous avons vécue ; cela a amené des enseignants, à orienter leurs élèves sur ce type d’usages, grâce à ce nouvel outil » .
L’outil pourra être utilisé également pour organiser tout type de visioconférence, entre établissements, du territoire français ou à l’étranger par exemple. Il y a plusieurs usages possibles, « non pas qu’ils n’existaient pas avant mais les enseignants n’auront plus besoin d’aller chercher les GAFAM pour mettre en place ces usages », souligne Laurent Le Prieur.
Aujourd’hui, à la sortie des différents confinements, on pourrait se poser la question de savoir pourquoi aller vers le développement et le déploiement à grande échelle de ce type de solutions de « classes virtuelles ».
Laurent Le Prieur rappelle que le cœur de développement de la plateforme “BBB“ est un aussi un outil du quotidien pour travailler entre agents dans le ministère, sans impliquer les élèves.
« Ce service est même mis à disposition de tous les agents de l’Etat grâce au travail conjoint du ministère de l’éducation nationale et de la DINUM » , souligne-t-il.
Les gens travaillent différemment aujourd’hui ; il y a moins de présentiel. C’est donc un très gros atout d’avoir à disposition de tous les agents ce type de plateforme.
Ce qui est intéressant avec cette nouvelle solution, c’est de pouvoir maîtriser les besoins des utilisateurs. Si demain, il n’y a pas de besoins pour avoir 500 000 utilisateurs en simultané, il est tout à fait possible d’ajuster le nombre de ressources consommées dans le Cloud.
« Nous avons besoin d’entretenir la compétence et l’outil dans la durée ; au-delà du fait de proposer un service avec une expérience utilisateur comparable à des solutions non souveraines, l’un de nos axe travail, c’est d’avoir la capacité à déployer la solution mais surtout d’adapter la capacité à faire, de la solution, pour ne payer qu’au juste besoin » .
« En revanche, en situation de confinement, nous sommes capables dans l’heure qui suit, de ramener la solution à 500 000 utilisateurs et donc de réagir en cas de crise » .
Aujourd’hui, la plateforme est accessible à tous les agents pour une utilisation non pédagogique. Peu à peu, tous les enseignants pourront l’utiliser à des fins pédagogiques tout en continuant à utiliser l’outil Blackboard, en étant prévenus que ce dernier ne sera plus disponible à la rentrée de septembre 2022.
« C’est en tout cas notre objectif » , conclut Laurent Le Prieur.