Comment redynamiser l’apprentissage des sciences dans le système éducatif francophone Belge ?
Les élèves ont changé depuis bien longtemps déjà. Malgré cela, une grande majorité des enseignants continuent à enseigner de manière frontale, s’octroyant de temps à autre le luxe de « perdre du temps » à présenter une manipulation scientifique, aidés parfois par un élève qui ne comprends pas toujours ce qu’il est en train de faire. Le tout devant des condisciples passifs dont bien souvent, seuls ceux des deux premières rangées voient réellement l’action qui se déroule.
Face à ce constat, j’ai commencé la classe inversée au premier degré, tout en douceur. J’ai souhaité initier les élèves de première et deuxième année de manière progressive et encadrée, pour leur permettre d’être plus à l’aise lorsqu’ils seront réellement confrontés à ce mode d’apprentissage dans les années à venir.
Rendre les élèves autonomes face aux outils numériques, leur apprendre comment trouver les bonnes informations avec un esprit critique. Leur apprendre à s’organiser individuellement et/ou en groupe. Je pensais que les amener à créer eux-mêmes leur support d’apprentissage (numérique et papier) pouvait permettre de créer une dynamique positive au sein d’un groupe classe. Et maintenant, j’en suis convaincue ! Cela me permet également de pratiquer au maximum l’inclusion afin qu’aucun apprenant, ou le moins possible, ne se sente laissé pour compte.
Apport du numérique :
Dans le local, les bureaux sont agencés en îlots où les élèves, répartis par groupes de 4 travaillent tantôt en autonomie, tantôt ensemble. Ils ont également la possibilité de s’entraider (travail par les pairs). Chaque élève dispose d’une tablette, d’écouteurs, d’un plan de travail et le cas échéant, de documents nécessaires à la réalisation des tâches proposées. Du matériel spécifique est à leur disposition. Chacun des groupes décidant à quel moment de leur travail ils réalisent la manipulation à faire.
Un « Tétra-aide » déposé sur chaque îlot me permet de repérer rapidement ce qui se passe au sein des groupes et de venir apporter mon éclairage, si nécessaire.
Le plan de travail (présenté sous forme d’un livret en couleurs) reprend en page de garde les différentes tâches à accomplir, le nombre de périodes qui y seront dévolues, les QR codes utiles pour accéder aux ressources numériques (Padlet, Google site, Genially, etc.) du chapitre traité, … Dans le corps du plan de travail, les élèves trouvent leurs identifiants personnalisés pour accéder à LearningApps ainsi que les activités à réaliser. Celles-ci consistent en un mélange de manipulations scientifiques, d’exercices de rédaction ou de complétion d’un support écrit plus « traditionnel » ainsi que d’activités numériques.
Une fois menées à terme, certaines de ces activités sont prises en photo et/ou filmées afin d’être présentées à la classe par le groupe (ou un de ses membres) au TBI, ou pour venir alimenter le cours numérique disponible sur un Padlet dédié au chapitre en cours. Le numérique au service du papier, le papier au service de l’apprentissage via le numérique !
Plus précisément, en ce qui concerne l’utilisation de support numérique, les élèves :
- Visionnent des capsules associées à un questionnaire Forms.
- Réalisent des exercices sur LearningApps qui aident à compléter le cours « papier » ou à réaliser leur « cahier d’activité/dictionnaire des sciences (DDS) ».
- Réalisent des recherches sur internet afin de compléter un schéma ou de trouver des pistes pour un problème posé.
- Imaginent et conçoivent leurs propres exercices sur LearningApps.
- Utilisent des logiciels de simulation (Respipoisson, Pulmo, PHET, Phyloboîte, …).
Des moments sont prévus afin de faire le point par groupe sur les avancées de chaque élève et de réaliser des corrections et des mises au point sur des notions qui sembleraient plus compliquées. C’est souvent alors que sont réalisées des évaluations, le plus souvent formatives, avec des applications telles que Plickers ou Kahoot.
Synthèse et apport du retour d’usage en classe :
Une fois l’excitation et le stress des premiers moments passés, les élèves sont réellement actifs dans le travail demandé, et par conséquent, acteur de leur propre apprentissage. L’usage de la tablette et des activités numériques, voire des recherches d’informations sur le WEB n’est pas encore chose si simple pour eux. Il y a énormément de questions et de fausses manipulations au début. Mais avec un peu de patience et de persévérance, (surtout de la part du professeur), les automatismes s’installent et la qualité d’apprentissage et d’accompagnement est au rendez-vous. Il faut compter pour cela deux ou trois séances.
Dès lors, lorsque les élèves entrent en classe, ils savent ce qu’ils doivent accomplir et de mon côté, si je ne suis pas sollicitée par un groupe, je peux m’attarder auprès d’élèves avec lesquels je n’aurais peut-être pas eu d’interactions dans un cours plus magistral. Les contacts sont vraiment différents, je les accompagne !
Hormis le temps d’acquisition lié à ce type de pédagogie, je constate que nous clôturons le chapitre dans les mêmes temps que les classes de mes collègues qui ont travaillé de manière plus conventionnelle. Mais en plus de compléter le cours de sciences, les élèves auront réalisé des manipulations scientifiques, cherché des solutions en petits groupes à des situations problèmes, présenté le résultat de leur travail à leurs camarades sur le TBI, et auront appris à s’y retrouver sur le WEB, à manipuler une tablette, à apprivoiser l’une ou l’autre applications… Quant aux résultats ; à évaluations équivalentes à celles de mes collègues (ce qui me permet d’objectiver la pratique de cette pédagogie et d’apaiser ceux ou celles qui se montreraient inquiets, en ce, y compris les parents), ils se valent. Mais j’observe une amélioration parmi les élèves dit « plus faibles » et leur réussite aux évaluations externes surprend toujours les derniers septiques.
En revanche, une différence majeure à souligner est l’implication et le soin apporté dans la réalisation des tâches et dans la retranscription des travaux dans leur plan de travail, dans leur cahier d’activité et dans leur DDS.
Je me rends compte qu’avec cette pédagogie, tous les élèves, même ceux qui ne m’avaient pas habitué à cela auparavant prennent vraiment le temps d’écrire et le font avec le plus grand soin. A l’origine, ce n’était pas un de mes objectifs, mais c’est ce que j’aime appeler un très joli « dégât collatéral ». Actuellement et par année, trois chapitres sur six sont abordés via cette pédagogie car le retour d’expérience montre que certains enfants ont aussi besoin d’un cours plus « cadré et conventionnel ».
La pédagogie présentée témoigne clairement que les élèves sont en immersion dans un apprentissage basé sur les échanges : ils se questionnent, confrontent leurs représentations, argumentent, présentent leurs découvertes à l’ensemble des élèves, … Et comme l’a dit si justement Philippe Carré, « on apprend seul, mais jamais sans les autres ». Et ici, les outils numériques utilisés permettent la mise en place de ce type de pédagogie active ou l’enseignant n’est pas en reste. Il peut enfin accorder du temps à chacun des élèves, passer d’un îlot à l’autre et les accompagner dans leurs réalisations. L’enseignant ne doit pas manquer de créativité pour mener à bien sa séquence. Les élèves quant à eux, sortent aussi de leur zone de confort lorsqu’ils doivent imaginer des procédés pour réaliser la tâche complexe qui leur est assignée et lorsqu’ils doivent présenter de manière attrayante leur démarche et leurs résultats à leurs condisciples. La tenue de leur cahier de sciences est aussi optimalisée car ils ont plus de temps devant eux pour le compléter. Ils sont plus soigneux, créatifs, se permettent d’illustrer à leur manière les concepts qui les inspirent davantage. Et finalement, ils sont plutôt fiers de ce qu’ils font.
À l’occasion de l’université d’automne de Ludovia, 2ème édition, de nombreux enseignants et autres membres de la communauté éducative vont venir présenter leur expérience avec le numérique sur le thème de l’année « À la recherche du point C (point de convergence) ». Ludomag se propose de vous donner un avant-goût de ces ateliers jusqu’au début de l’évènement, mercredi 3 novembre 2021.
Aurore Martin présentera « Inversons … la classe inversée : dynamiser le cours de sciences avec les outils numériques », le vendredi 05 novembre de 11h00 à 11h40 et de 16h15 à 17h00.
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Plus d’infos et inscriptions : ludovia.be