Objet connecté, zéro déchet, voiture autonome, marche pour le climat, Mark Zuckerberg, Greta Thunberg, Giec, Gafam, streaming, greenwashing… Ces différents termes ne vous sont pas inconnus. En effet, le développement des technologies n’a cessé de s’intensifier et le numérique est devenu une norme sociale. Ce déploiement n’a pas épargné l’environnement et pourtant, la protection de la planète est sur toutes les lèvres.
Deux transitions que tout oppose sont en marche (Vidalenc, 2019) et l’enseignement n’y échappe pas. Le secteur éducatif est tiraillé entre ces deux transitions (Frenoux & Besson, 2019). D’une part, l’urgence climatique et l’éducation relative à l’environnement sont de plus en plus prégnantes et les jeunes, en manifestant pour le climat, montrent leur intérêt à protéger l’environnement (Laffineur, 2019). D’autre part, par sa Stratégie numérique pour l’éducation , la Fédération Wallonie Bruxelles (2019) a décidé de faire du numérique un vecteur de changement : déploiement de matériel informatique, connexions Internet, formations aux compétences numériques, accompagnement techno-pédagogique, référentiel relatif à éducation au numérique. Pourtant, il existe un point de convergence : la sobriété numérique !
D’ailleurs, pour guider les enseignants, le Digcomp (Redecker & Punie, 2017), c’est-à-dire le référentiel de compétences numériques mis en place par la Commission européenne, identifie la protection de l’environnement comme l’une de ses vingt-et-une compétences. En effet, les citoyens du XXIe siècle devraient être conscients de l’impact environnemental des technologies numériques et de leur utilisation. L’empreinte numérique est d’aujourd’hui de 4% et en 2023 ce pourcentage aura doublé (ADEME 2021). Comme le souligne The Shift Project (Vorreaux & al., 2018), il y a donc une véritable urgence climatique à sensibiliser à cette thématique.
En Fédération Wallonie-Bruxelles (2021), le « Référentiel de formation manuelle, technique, technologique et numérique » définit les savoirs, savoir-faire et compétences numériques en prenant en considération le DigComp. Même si la compétence « Protection de l’environnement » ne s’y retrouve pas, un axe sur le développement durable y est développé. Étant donné que la protection de l’environnement est l’un des trois piliers du développement durable (Diemer & Marquat, 2014), nous pouvons donc souhaiter que l’éducation au numérique se mettra au vert. Mais, concrètement, comment les enseignants peuvent-ils s’emparer de cette compétence ?
Pour The Shift Project (Vorreux & al., 2018), éduquer à l’impact environnemental de nos modes vies numériques (télétravail, streaming, voiture connectée, e-commerce, maison connectée, etc) doit s’effectuer avec nuance, en mettant en perspective les arguments favorables et défavorables à l’utilisation des technologies. Qu’est-ce qui est le plus bénéfique pour la planète : imprimer les syllabus ou les lire sur une liseuse ? Tout dépend des usages. Par la pratique du débat (Gilbert, 2019), il est possible de développer l’esprit critique des jeunes et faire émerger chez eux des arguments valides sur la face cachée du numérique. Il s’agit d’instaurer une forme de nuance et de regard critique sur les technologies chez les jeunes en particulier avec l’essor du greenwashing.
Pour Saores (2013), parler d’écologie aux enfants, c’est leur montrer que des solutions existent et donc leur apprendre à mettre en oeuvre des solutions numériques pour protéger l’environnement. En effet, le numérique offre aussi des opportunités (Vidalenc, 2019) pour sensibiliser à l’environnement : créer des réseaux de producteurs locaux, par exemple. Choisir le numérique pour enseigner la protection de l’environnement, c’est également partir d’une technologie que les jeunes estiment maîtriser et qu’ils manipulent parfois naïvement au quotidien. Ne s’agit-il donc pas d’une belle opportunité d’apprentissage, de sensibilisation et de changement ?
Le défi qui attend l’enseignement est d’apprendre aux jeunes à être conscients de l’impact des technologies sur l’environnement, de déployer chez les digital natives des gestes éco-responsables et de démontrer les opportunités écologiques mises en place grâce au numérique. Dans le cadre d’une recherche doctorale, nous nous intéressons à ce nouvel enjeu de l’éducation et à la manière d’éduquer à la sobriété numérique. L’objectif de cette communication est de présenter notre cadre conceptuel, adapté du modèle d’éducation relative à l’environnement de Sauvé (1994) et, surtout, de donner des pistes pédagogiques pour développer des compétences numériques plus responsables.
Bibliographie
ADEME (2021). La face cachée du numérique. Réduire les impacts du numérique sur l’environnement. Consulté à www.ademe.fr/sites/default/files/assets/documents/guide-pratique-face-cachee-numerique.pdf.
Diemer, A. et Marquat, C. (2014). Education au développement durable : enjeux et contreverse. De Boeck Superieur : Paris
Fédération Wallonie Bruxelles (2019), Stratégie pour l’éducation, 2019. Bruxelles : Belgique. Consulté à enseignement.be/index.php?page=28101&navi=4540
Fédération Wallonie Bruxelles (2021), Référentiel de formation manuelle, technique, technologique et numérique (version provisoire). Bruxelles : Belgique. Consulté à www.ares-ac.be/images/FIE/Referentiels/Referentiel-FMTTN.pdf
Frenoux, E. et Besson, F. (2019). Transition numérique et écologie : comment mener les deux front. Communication à l’Educatec-Educatice, Versailles.
Gibert, A.-F. (2019), Apprendre l’urgence climatique en débat, Eduville. Consulté sur eduveille.hypotheses.org/12935
Laffineur, S. (2019). L’école face aux “grèves Climat” des jeunes, une réponse en demi-teinte. Eduquer. Tribune Laïque, n°149, pp.22-23.
Redecker, C., & Punie, Y. (2017). European Framework for the Digital Competence of Educators. Luxembourg : Office of European Union. Commission européenne. Consulté à l’adresse ec.europa.eu/jrc/en/publication/eur-scientific-and-technical-research-reports/european-framework-digital-competence-educators-digcompedu
Sauvé, L. (1994). Pour une éducation relative à l’environnement: éléments de design pédagogique : guide de développement professionnel à l’intention des éducateurs. Montréal: Guérin.
Soares, A. (2013). Comment parler d’écologie aux enfants ?. Paris : le Baron perché.
Vidalenc, E. (2019). Pour une écologie numérique. Institut Veblen : Paris.
Vorreux, C., Berthault, M. et Renaudin, A. (2019). L’enseignement supérieur pour le climat : former les étudiants pour décarboner la société, The Shift Project.
Pour la 2ème édition du Colloque scientifique à Ludovia#BE, des communications vous seront présentées sur le thème « A la recherche du point C (point de convergence) ». Ludomag se propose de vous donner un avant-goût du colloque jusqu’au début de l’événement, mercredi 03 novembre.
Sarah Descamps, Gaëtan Temperman et Bruno De Lièvre présenteront « L’éducation à la sobriété numérique : Et si l’éducation au numérique se mettait au vert ? », jeudi 4 novembre de 11h50 à 12h30.
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