A l’occasion de LUDOVIA#18 à Ax-les-thermes du 23 au 26 août, Aude Guéneau, enseignante de lettres et conceptrice de Plume, et Frank-David Cohen, de Klassroom évoquent dans une discussion avec Eric Fourcaud, la façon dont leurs outils sont conçus et développés pour renforcer les liens sociaux et aider les parents à s’impliquer dans l’éducation de leurs enfants.
Plume est une plateforme vouée au développement des aptitudes des enfants dans l’écriture. Elle est proposée aux enseignants gratuitement dans une version limitée mais aussi aux familles, qui ont accès à une banque d’histoires classiques ou plus originales que les enfants sont invités à enrichir.
Ecrire peut se faire en ligne sur la plateforme ou sur papier, et le récit ainsi co-écrit est illustré et imprimable. Plume considère que l’écriture est un enjeu social car c’est un vecteur essentiel de la réussite scolaire, et se propose de résoudre le problème de la production d’écrit par le prisme de la créativité des enfants. La plateforme est conçue pour s’adapter au rythme d’écriture des élèves ainsi qu’aux différents handicaps pour permettre la réussite de chacun.
Klassly est un réseau social dédié aux écoles maternelles et primaires pour faciliter la communication entre parents et enseignants. La fonctionnalité de traduction automatique de l’interface et des messages en une centaine de langues le rend particulièrement apprécié dans les écoles où les parents ne lisent pas le français, et permet de les inclure dans l’éducation de leur enfant.
Le confinement, un moment privilégié de la co-éducation
Le confinement de mars 2020 a été un moment inédit qui a imposé la co-éducation : les parents ont dû faire l’école à la maison.
Dans cette période, l’usage des deux outils présentés a connu une augmentation exponentielle. Klassroom est passé de 400 000 à 1,4 millions d’utilisateurs et Plume a quintuplé son nombre d’usagers, les enseignants se précipitant pour mettre en place un lien avec les familles avant d’être confinés.
Pourquoi particulièrement ces solutions ? Sur Plume comme sur Klassroom, le parent a sa place sur la plateforme. Les enseignants témoignent que Klassly permet de renforcer les liens entre la classe et les parents, entre l’enfant en tant qu’élève et le parent, ne serait-ce que dans la communication autour des devoirs.
Or, on sait que l’implication des parents est une clef de la réussite scolaire des enfants. De plus, en plus du modèle d’abonnement pour la classe, Plume a un modèle à l’adresse des parents. Cela permet de tisser des moments d’apprentissage en dehors de la classe en proposant des situations de réinvestissement des apprentissages et d’explicitation des apprentissages implicites.
Quels défis pour engager les parents dans la co-éducation ?
Le 1er défi est de convaincre les utilisateurs d’utiliser la plateforme. Klassroom a 92% des parents des classes abonnées qui se connectent au service Klassly, ce qui est exceptionnel. Ses atouts ? Elle est multiplateforme et ressemble à un réseau social que les parents ont l’habitude d’utiliser.
Pour Aude, le sujet du matériel n’est pas résolu. Plume a choisi d’être aussi sur mobile, sur papier, pour simplifier les usages. L’illectronisme est un sujet de fracture sociale : il reste des personnes qui n’ont pas les compétences numériques, ne savent pas utiliser les outils numériques et sont, de ce fait, exclues de la société.
Plume est parti des demandes des parents et des enseignants et s’est adapté pendant le confinement pour rester accessible sans difficulté à tous. La simplification des outils numériques est le nerf de la guerre. Elle permet de développer les usages mais oblige à faire des concessions, à abandonner des fonctionnalités pour se recentrer sur l’essentiel.
Quant à Klassroom, les parents allophones les ont poussés à implémenter un outil de traduction des messages de l’enseignant dans une centaine de langues. Cela a développé l’utilisation de Klassly en REP+ de manière importante. Un système de visio-conférence pour les rendez-vous parents ou la classe à distance y a été introduit pour faciliter la communication. La structure permet d’encaisser des millions de connexions simultanées de manière à limiter les difficultés de connexion. L’impact sur la classe est important car tous les élèves et toutes les familles sont inclus.
Un des facteurs d’exclusion est que les parents se sentent incapables de s’impliquer car ils se sentent illégitimes lorsqu’ils ont été en échec scolaire eux-mêmes. Il faut leur redonner de l’estime de soi, leur donner les moyens de s’impliquer.
S’adapter aux conditions d’équipement des familles
Il faut bien admettre que les familles (et les enseignants) sont très diversement équipées : toutes n’ont pas d’ordinateur, ou alors un par famille, voire pas de connexion à internet. Souvent les familles défavorisées n’ont que le Smartphone pour se connecter, c’est pourquoi le développement pour Smartphone est essentiel. Il a donc fallu travailler sur le hors connexion, le sans écran, limiter le poids des fichiers à télécharger, traduire des textes pour les parents, proposer la lecture audio du texte…
Les start-up, un levier pour un numérique plus social ?
Plume a mis en place des facteurs de réussite pour l’entreprise qui sont sociaux : le nombre d’utilisateurs gratuits compte autant que les abonnés, la progression des élèves est un critère de réussite. L’équipe réfléchit aussi à la façon de limiter l’impact énergétique. Les deux intervenants militent pour un numérique responsable. Plume a une « feuille d’impact » écologique et environnementale, et est soutenue financièrement par la MAIF sur le fond d’investissement Impact. Il y a des investisseurs qui ont la conviction que l’impact social est important.
Article rédigé par Caroline Jouneau-Sion