À l’occasion de l’université d’été de Ludovia, 18ème édition, de nombreux enseignants et autres membres de la communauté éducative vont venir présenter leur expérience avec le numérique sur le thème de l’année, « Le numérique éducatif est-il social ? ». Ludomag se propose de vous donner un avant-goût de ces ateliers jusqu’au début de l’évènement, lundi 23 août.
Christophe Gilger présentera « Aborder des usages responsables et citoyens du numérique en participant à un réseau social élève dans un cadre scolaire ou familial » sur la session IV « CULTURE NUMÉRIQUE », mercredi 25 août après-midi.
Problématique pédagogique :
Les réseaux sociaux ne sont parfois abordés que sous le prisme des dangers et de la répression, au regard des propositions d’interventions de la gendarmerie, des services de santé (santé scolaire) ou d’associations (permis internet).
Ces approches sont parfois bien déconnectées des usages des élèves. Comment partir de leurs besoins, de leurs pratiques ? Faut-il condamner tout usage des réseaux sociaux ? Faut-il faire peur aux jeunes pour qui ces moyens de communication sont utilisés quotidiennement et dans lesquels ils créent du lien, publient s’informent, apprennent ?
Une éducation au numérique et à ses usages est bien entendu nécessaire et n’est parfois pas réalisée au sein des familles, certains parents étant dépassés et/ou peu conscients des pratiques de leurs enfants et des jeunes en général sur les réseaux. L’école a donc un rôle à jouer dans le cadre de l’EMC, de l’EMI et du CRCN. Mais cette éducation ne peut se faire hors sol, hors contexte pédagogique.
C’est pourquoi, il semble pertinent d’initier des usages pédagogiques des réseaux sociaux en classe pour à la fois, changer leur image, tant auprès des jeunes que des parents, des enseignants, des chefs d’établissements, des IEN… et travailler en situation des usages responsables et citoyens avec les élèves.
D’un point de vue didactique, l’enquête TIMMS 2016 et la dernière enquête PISA pointent le manque d’ancrage au réel de l’enseignement des mathématiques, tant dans l’observation du monde réel que dans les situations proposées, notamment en résolution de problèmes. Stella Baruk, professeur de mathématiques et chercheur en pédagogie, a déjà dénoncé largement l’absence de sens donné par un grand nombre d’élèves en mathématiques. Dans l’expérience menée à l’IREM de Grenoble, au problème suivant : « Sur un bateau, il y a 26 moutons et 10 chèvres. Quel est l’âge du capitaine ? » sur 97 élèves, 76 ont donné une réponse en utilisant les nombres figurant dans l’énoncé : 26 ans ou 10 ans !
L’accès au sens passe donc par le vécu d’abord, puis une représentation de la situation (dessin, schéma, scénario…) pour aller vers une abstraction complète. L’importance de la langue dans les énoncés de problème est également à souligner et à enseigner. Le langage courant, le langage scolaire et le langage mathématique peuvent constituer des obstacles à l’accès au sens pour les élèves. Tous ces constats font que certains élèves que nous présentons comme très pertinents et ayant des capacités certaines en logique et en mathématiques, peuvent, lors de situations réelles, sembler perdre ces compétences lors du passage à une situation problème scolaire présentée sous forme d’un énoncé écrit.
A travers les objectifs suivants :
- Créer une émulation autour de la résolution de problèmes, tant pour les élèves que pour les enseignants.
- Susciter des questionnements et des échanges mathématiques autour de situations concrètes, en nourrissant un fil de discussion.
- Offrir aux enseignants des situations supports à des activités de recherche mathématiques.
- Engager des échanges entre élèves et amener des classes à collaborer.
- Changer l’image des réseaux sociaux auprès des enseignants, des parents et des élèves en les confrontant à un usage pédagogique.
- Aborder les usages responsables et citoyens des réseaux sociaux à travers une mise en situation concrète.
Nous proposons une activité riche et motivante au travers de l’utilisation d’un réseau social en classe et dans les familles.
Apport du numérique :
Un projet pédagogique qui s’appuie sur des supports numériques
Toutes les activités proposées dans M@ths en-vie tournent autour de supports numériques : des vidéos, des pages web et notamment des photos numériques prises dans l’environnement quotidien des élèves. Un simple appareil photo dans la classe peut permettre de se lancer dans les différentes activités.
En exerçant les élèves à repérer des situations réelles pouvant faire l’objet d’un investissement mathématique, ils se créent un répertoire de représentations qu’ils pourront ensuite mobiliser dans d’autres situations similaires.
À travers les supports réalisées ou mobilisés par les élèves et utilisées dans le cadre de ce dispositif :
- les élèves construisent l’intérêt d’apprendre les mathématiques parce que cette discipline s’inscrit dans leur réalité de tous les jours ;
- les élèves mettent du sens derrière chaque donnée et mettent alors en œuvre des procédures de résolution cohérentes ;
- les élèves construisent des ordres de grandeurs et exercent un regard critique sur les solutions de leurs problèmes.
L’utilisation de la photo permet alors de construire ce temps intermédiaire entre une situation vécue, réelle et une abstraction complète.
Des outils numériques au service de la démarche
Au-delà des supports numériques utilisés, les classes qui ont pu s’engager dans M@ths en-vie ont toutes mis en œuvre de nombreux autres outils numériques qui ont trouvé naturellement leur place et leur pertinence dans le dispositif :
- usages du vidéoprojecteur pour travailler collectivement sur les photos ;
- usages du tableau interactif pour manipuler et annoter les photos ;
- usages d’outils collaboratifs tel Padlet pour construire des énoncés de problèmes à partir de photos prises par les élèves ou pour se constituer des banques de photos et d’énoncés ;
- usages de réseaux sociaux pour participer à des projets collaboratifs entre classes ;
- usages de tablettes numériques pour travailler instantanément sur les photos prises par les élèves et pour réaliser des sorties mathématiques ;
- usages de sites internet d’école pour publier ses problèmes et les mettre à disposition d’autres élèves (notamment dans le cadre de la liaison CM2/6°)…
Des outils numériques au service de la communauté
Le développement de M@ths en-vie est dû dans un premier temps à la diffusion du projet sur internet, puis sur les réseaux sociaux amenant à la création de communautés enseignantes et ce, au travers de plusieurs outils :
- le site internet
- la page et le groupe facebook ;
- le compte twitter ;
- le compte Instagram.
Ces outils ont permis la mutualisation d’usages et de ressources autour du dispositif. Ils ont également permis de rapprocher des enseignants engagés qui contribuent chacun au développement d’outils et d’activités. Les productions d’enseignants sont mutualisées dans un espace dédié sur le site « L’espace des classes » et relayés via les réseaux mis en place pour le projet.
Des outils numériques en lien avec le monde numérique dans lequel vivent nos élèves
La création et l’utilisation de réseaux sociaux élèves (avec des comptes classes), au-delà des objectifs pédagogiques et disciplinaires permettent de travailler diverses compétences du CRCN qui sont nécessaires au regard du monde numérique dans lequel vivent nos élèves et ce, au travers des points suivants :
- la collaboration : engager des échanges entre élèves et amener des classes à collaborer ;
- les usages : changer l’image des réseaux sociaux auprès des enseignants, des parents et des élèves en les confrontant à un usage pédagogique ;
- la formation du citoyen : aborder les usages responsables et citoyens des réseaux sociaux à travers une mise en situation concrète.
Relation avec le thème de l’édition :
M@ths en-vie était à la base une simple animation pédagogique ; un projet inter-disciplinaire destiné aux enseignants dans leur classe afin de donner du sens aux mathématiques en les ancrant dans le réel. Il s’est très vite développé au fil des mois afin de devenir aujourd’hui un dispositif, créant des liens et des coopérations entre tous les acteurs :
- collaborations avec de très nombreux formateurs : mise à disposition d’une mallette du formateur, diffusée à plus de 800 exemplaires. Cette ressource a grandement contribué à la diffusion du dispositif auprès de milliers d’enseignants lors de plans de formations ;
- partenariats avec des acteurs institutionnels, CANOPE, des associations…
- animation de temps de formation en présentiel et en distanciel ;
- constitution d’une association Maths’n Co, regroupant à ce jour plus de 300 membres ;
- création de réseaux social élèves mettant en relation des classes en France et à l’étranger ;
- animation de réseaux sociaux afin de permettre aux enseignants d’être informés sur le dispositif, mais également de pouvoir échanger ;
- mutualisation de pratiques enseignantes et de productions de classes sur le site internet mathsenvie.fr;
- publications réalisées par plusieurs adhérents chez Génération5 et Nathan
Au regard de tous ces points, le numérique a été l’« instrument » permettant de diffuser, fédérer, rapprocher… Le numérique a donc eu un impact sur les personnes et sur le projet en lui-même. La force du collectif et les contributions isolées permettent quotidiennement de créer et d’innover d’un point de vue pédagogique, au bénéfice des élèves.
Témoignage de M. Philippe Roederer, membre d’honneur de Maths’n Co :
« Ancrer les mathématiques au réel afin d’améliorer la compréhension en résolution de problèmes !
C’est l’ambition du dispositif M@ths en-vie qui, depuis 2016, permet à des milliers d’enseignants de donner à leurs élèves du goût pour la résolution de problèmes. D’animations pédagogiques en conférences, de webinaires en présence sur de nombreux évènements, de Twitter à Facebook, M@ths en-vie est devenu incontournable dans le paysage pédagogique actuel.
M@ths en-vie est un succès parce que les enseignants qui s’en inspirent savent que la résolution de problèmes est le cœur de l’activité mathématique à l’École. En faisant résoudre des problèmes à leurs élèves, ils en font la finalité, le vecteur essentiel d’acquisition des savoirs et des savoirs faire mathématiques. Ils apprennent à leurs élèves à chercher, à émettre des hypothèses, à élaborer des stratégies, à confronter leurs idées.
Grâce au collectif M@ths’n Co, c’est toute une communauté d’enseignants connectés qui collaborent et œuvrent à leur propre développement professionnel. Cette dynamique de mutualisation est particulièrement féconde et participe du développement de cette culture de l’horizontalité qui a fait le succès d’autres collectifs parmi lesquels Twictée et EMC partageons sont des exemples inspirants. Partager, collaborer, faire preuve de solidarité professionnelle, c’est tout l’adn de notre profession. »
Voir l’ensemble des relais et soutiens.
Synthèse et apport du retour d’usage en classe :
Le dispositif M@ths en-vie a pu être proposé à plusieurs centaines d’enseignants lors d’animations pédagogiques ou de conférences. Nous avons suivi certains enseignants dans leur classe qui se sont appropriés, chacun à leur manière, le dispositif.
Voici les constats réalisés en tant que formateurs :
- Le dispositif est plébiscité par les enseignants lors des animations pédagogiques et massivement mis en œuvre dans les classes.
- Chaque enseignant s’approprie le projet de façon très différente, dans le ou les domaines mathématiques qu’il souhaite. Les activités s’insèrent naturellement dans les progressions et programmations établies.
- Les activités sont facilement appropriables et ne modifient pas l’organisation pédagogique de la classe, même si elles permettent d’induire des modalités d’organisation différentes : par exemple, nous avons constaté que dans toutes les classes des travaux de groupe avaient été mis en œuvre ou que les outils numériques avaient été mobilisés spontanément et naturellement.
- Les activités de M@ths en-vie favorisent les activités de recherche, le travail de groupe et la collaboration entre élèves.
Et en tant qu’enseignant :
- Constat d’un très fort engagement des élèves dans les activités, notamment pour des élèves qui ne rentraient jamais dans les taches de résolution de problèmes.
- Meilleure réussite des élèves en difficulté lors des temps de résolution de problèmes.
- Les photos favorisent la compréhension des situations et la réalisation de schéma aidant à la résolution.
- Les différentes données utilisées dans leur contexte permettent aux élèves de construire des répertoires de grandeurs.
- Les activités permettent de travailler parallèlement la maîtrise de la langue écrite car de nombreuses situations de production peuvent être mises en œuvre : rédaction de consignes, d’énoncés, de phrases pour expliciter les données, d’histoires mathématiques… Les compétences orales sont également mises en jeu de par le travail sur le vocabulaire mathématique, la verbalisation des situations, la justification des procédures…
- Les élèves ne sont plus « exécutants » mais producteurs : prises de photos et production d’énoncés notamment.
- Concernant l’usage des réseaux sociaux, fort engouement des élèves et surtout, support à des échanges en classe sur leurs usages.
Résultat d’une expérimentation menée auprès de 179 élèves de CP, CE1 et CE2.
Plus d’infos sur : Christophe Gilger
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