A l’occasion de l’université de printemps Ludovia#CH, 3ème édition exclusivement en ligne, de nombreux intervenants et autres membres de la communauté éducative vont venir présenter leur expérience avec le numérique sur le thème « Jouer collectif pour se former et innover ? Numérique et communautés d’enseignants ». Ludomag se propose de vous donner un avant-goût de ces présentations jusqu’au début de l’évènement, mardi 30 mars 2021.
Philippe Roederer & Jean-Paul Zampin présenteront « Enseigner l’histoire à l’ère du numérique – Des situations problèmes pour le cycle 3 », mardi 30 mars de 11h00 à 11h30 .
Problématique pédagogique :
Comment aider les élèves à se sentir concernés par leur histoire ? A construire des connaissances et des repères indispensables pour les aider à faire preuve d’esprit critique, à faire du lien entre leur présent, leur quotidien et les traces que des générations avant eux, ont laissé dans les paysages actuels afin de se sentir les héritiers d’une culture partagée ? Comment les outils numériques facilitent de nos jours l’enseignement de l’histoire ? Comment ils rendent la pratique de cette discipline aujourd’hui beaucoup plus, riche et stimulante ? Comment ils donnent accès à des documents qui jusque-là étaient réservés à un certain public ou bien sur les sites mêmes où s’effectuent les recherches (archives numérisées, QR code) ? Comment l’histoire permet de construire son propre parcours citoyen ?
Il s’agit alors de proposer des pistes concrètes et variées de mise en œuvre, des démarches vivantes et attractives portées par des outils numériques favorisant l’autonomie et s’appuyant largement sur les fondamentaux de l’école : dire, lire, écrire, compter, respecter autrui.
Notre souhait est de mettre l’élève en situation de « chercheur » et « d’écrivains de l’histoire » afin de l’aider à bien distinguer l’Histoire de la fiction. Nos objectifs sont de progressivement automatiser des compétences liées à :
- L’attention : comment aider les élèves à rester attentifs et curieux lors des séances ?
- La mémorisation : comment les aider à mettre en mémoire les notions abordées, le vocabulaire particulier et à progressivement construire une culture suffisamment solide pour mieux comprendre.
- L’Inhibition : comment aider les élèves à construire cette approche raisonnée des supports proposés, à résister à cette tentation de juger avant de comprendre ?
- Aux usages du numérique : en quoi les outils peuvent m’aider à apprendre, mieux comprendre, organiser mes recherches… montrer aux élèves des usages pédagogiques des outils qu’ils utilisent au quotidien.
Et si l’histoire, conjugué au temps présent, pouvait éclairer notre quotidien !
Apport du numérique ou présentation de la techno utilisée :
Les outils numériques viennent donc au service de la démarche, tant du point de vue des ressources documentaires que des outils qui permettent de mettre en œuvre les différentes activités proposées : outils collaboratifs, QR Codes…
L’histoire est une discipline en profonde évolution, notamment autour de ce qui concerne le traitement numérique des sources et des données.
De nouveaux modes de construction, de diffusion, de publication des savoirs s’offrent à nous. De nouvelles compétences sont donc à construire dans ce contexte :
- formuler une requête dans un moteur de recherche
- questionner la fiabilité et la pertinence des sources
- produire des documents multimédias, les publier, tenir compte des commentaires….
Faire de l’histoire en 2020, c’est faire des humanités numériques, c’est intégrer la culture numérique dans la formation du citoyen, pour ne pas laisser les élèves « apprendre le monde qui vient” sans l’École.
Nous envisageons donc le numérique sous les angles suivants :
- Le numérique pour diversifier les ressources
- Le numérique pour collaborer
- Le numérique pour augmenter
- Le numérique pour garder des traces
- Le numérique pour valoriser le travail des élèves
- Le numérique pour favoriser l’autonomie
- Le numérique pour partage
- Le numérique pour travailler l’esprit critique
Le numérique parce que nos élèves vivent avec et qu’un des rôles de l’école est de les accompagner dans les usages.
Relation avec le thème de l’édition :
A la question l’histoire est-elle une science ? Martine Piguet[1] répondait « oui en partie car elle mobilise des méthodes, des techniques qui permettent de faire parler les traces parfois fugaces, laissées par les hommes et cela en le questionnant. Un questionnement fondamental qui permet d’enclencher le raisonnement[2]. Ainsi la recherche en histoire emprunte un cheminement rigoureux, où l’esprit critique est central et qui permet de reconstituer des évènements et surtout de rendre intelligibles les liens qui les unissent pour pouvoir ensuite, quel que soit la période, partager les connaissances qui naissent des recherches par des formes d’écrits multiples et variées.
Il serait bien présomptueux d’imaginer que des élèves de l’école élémentaire et même du collège puissent se glisser facilement dans le costume de l’historien. Cependant cela n’empêche en rien d’être ambitieux et d’amener les élèves à identifier cette démarche de recherche, d’en percevoir par le vécu à la fois la rigueur nécessaire mais aussi le plaisir de la pratiquer et d’être à son tour en capacité de présenter et partager de nouvelles connaissances et tout cela grâce, en partie, au numérique dans toutes ses dimensions.
C’est en cela que l’enseignement de l’histoire, peut favoriser, développer, automatiser des comportements et des réflexes liés à une posture critique positive. En effet il ne s’agit pas d’une attitude tatillonne et hargneuse, « celle du mauvais policier pour qui toute personne appelée à comparaître est a priori suspecte et tenue pour coupable jusqu’à preuve du contraire »[3]. Faire de l’histoire concourt à développer une attitude de confiance – vigilance.
Ainsi l’enseignement de l’histoire permet d’initier les élèves à la méthode critique (externe et interne). Nous souhaitons valoriser cette approche indispensable des documents, sous toutes leurs formes, auxquels les élèves seront exposés. En effet parmi les enjeux principaux, cette volonté de faire le lien entre des connaissances à stabiliser indispensables et le développement de l’esprit critique qui rend libre, dans une société actuelle où nous sommes souvent sous influences explicites ou implicites.
Cette compétence et d’autant plus fondamentales que nos jeunes élèves vivent dans une société où l’information circule très vite, par des canaux de plus en plus nombreux. Souvent ils sont seuls à affronter (réseaux sociaux…) cette information et l’école se doit de les armer, encore une fois non pas pour les rendre suspicieux de tout, mais au contraire pour les outiller méthodologiquement et intellectuellement pour s’interroger sur les sources et leurs auteurs, pour percevoir l’importance des contextes et envisager les espaces numériques comme des lieux où l’on trouve également des informations qui jusque là n’étaient pas accessibles, comprendre également tout l’intérêt de ces espaces pour partager de la connaissances, enrichir un article, une présentation déjà existante (ex : article Wikipédia).
L’enseignement de l’histoire doit avoir pour ambition d’offrir cette multitude de ressources « médias » variées. Le numérique permet cela et peut véritablement moderniser les séances d’histoire en classe.
Obtenir des informations numérisées, statistiques … puis collaborer sur des espaces numériques pour partager son travail et proposer des connaissances nouvelles, telles sont les nouvelles perspectives qu’offrent le numérique de nos jours aux classes. Pour exemple concret se référer au Projet maux d’hier, mots d’aujourd’hui / Guerre 14/18»
Enfin le numérique c’est la possibilité de vivre des expériences en histoire sur les lieux même des évènements. Les tablettes, légères et multifonctions, ouvrent le champ des possibles permettant de mettre à disposition des élèves des éléments de compréhension et de recherche sur les lieux même que l’on interroge (un château, un musée….)
Voir pour exemple le projet Nos pas dans leurs pas, lié à l’histoire du plateau des Glières en Haute-Savoie (1939-1945) voir le film :
[1] Laboratoire d’archéologie préhistorique et anthropologie Institut Forel, sciences de la Terre et de l’environnement Université de Genève
Synthèse et apport du retour d’usage en classe :
Chacune des situations évoquées ici que les classes ont pu mettre en œuvre offre la possibilité de dynamiser les séances d’histoire, de leur donner du sens et de construire avec les élèves ces comportements/automatismes essentiels de citoyen éclairé. Réfléchir sur les sources avec des outils comme le propose l’ouvrage, accéder à des sources nouvelles grâce au numérique, publier à son tour de l’information, c’est véritablement un accompagnement vers une attitude d’utilisateur raisonnée du numérique.
Témoignages élèves, témoignages enseignants
Les retours que nous avons pu avoir concernant la démarche mis en œuvre en histoire (de la situation-problème à la trace écrite) aussi bien par les élèves eux-mêmes que les enseignants sont multiples et semblent se rejoindre sur deux idées largement partagées :
- « on apprend et on comprend mieux quand on est acteur de ses apprentissages »
- « le questionnement de son environnement proche, des traces de proximité est source de motivation et de sens pour les élèves ».
La démarche de questionnement inscrit l’élève dans un enseignement explicite où il perçoit mieux les enjeux de son travail de recherche et le lien indispensable entre les connaissances construites.
Pour faire vivre cette démarche en formation nous avons essayé de l’inscrire dans des projets concrets à partir d’éléments du paysage de proximité des élèves et parfois en favorisant le lien entre premier degré et second degré. Voici quelques éléments pour chacun des cas qui peuvent servir de témoignage :
NOS PAS DANS LEURS PAS (plateau des Glières lieu de résistance en 1944) :
Au terme du film, qui présente le projet (en lien ci-dessus), la question est posée à un élève sur ses ressentis, en quoi cette démarche, qui en plus est favorisée par des outils numériques, lui permet de mieux apprendre et d’auto-évaluer ses propres progrès ?
Pour les enseignants les intérêts sont liés à la possibilité que donne la démarche de travailler en autonomie pour plusieurs raisons : la question appelle le raisonnement, le groupe fonctionne de façon collaborative, la construction de la réponse collective est facilitée par un engagement fort et une compréhension facilitée des ressources (une seule question précise qui ne disperse pas les élèves mais au contraire les recentre, permet de garder leur attention).
EN-QUETE DE MEMOIRE (lien inter degré école – collège : la 2ème GM en Haute-Savoie, version adaptée pour le 1er degré du concours national de la résistance)
MAUX D’HIER, MOTS D’AUJOURD’HUI (Premier guerre mondiale)
Comme à chaque fois, ce projet permet de mettre en œuvre une recherche en histoire axée sur l’esprit critique. Les élèves travaillent avec des documents sources numérisées qu’il doivent lire et traiter pour dessiner le parcours de vie d’un soldat de la grande guerre. Soldat dont le nom est inscrit sur le monument de leurs communes.
De la même façon que pour le deux précédents les enseignants relèvent l’engagement dans des situations explicites pour les élèves qui prennent tout leur sens, qui gardent leur attention et favorisent leur motivation.
On pourrait résumer les témoignages proposés ci-dessus à l’écrit ou en vidéo par les mots d’une directrice d’école fraîchement entrée dans la démarche avec sa classe et qui déclarait il y a peu et de façon spontanée : « les élèves apprennent mieux parce que l’histoire ainsi enseignée devient un objet de travail concret, explicite, cela favorise le sentiment d’un héritage partagé, mieux reconnu, mieux compris pour pouvoir à son tour le transmettre. La trace écrite telle que proposée dans la démarche joue un rôle important dans ce processus. On ne ferait plus que de l’histoire !!! »
Plus d’infos sur : ludovia.ch, Philippe Roederer & Jean-Paul Zampin