Les collectifs d’enseignants naissent, vivent et produisent en ligne. Souvent informels dans un premier temps ils évoluent, fédèrent et grandissent jusqu’à devenir des collectifs organisés ou des associations officielles. Ils répondent à des besoins professionnels pas toujours faciles à cerner et l’institution ne sait pas forcément comment les considérer entre ignorance et “récupération”. Cette table ronde donne la parole à trois enseignants actifs dans un collectif, à un représentant de Canopé et un de la DANE de Montpellier.
Crédit photo : Cire Box
Présentation des 3 collectifs d’enseignants
Inversons la classe (ILC) existe depuis 2012, elle est selon sa propre présentation sur son site “une association de terrain qui impulse, accélère et accompagne les changements de pratiques enseignantes, par les pairs, pour favoriser la progression de tous les élèves dans l’école du XXIè siècle […] La voix d’ILC n’est ni institutionnelle, ni prescriptive : ce sont les partages entre pairs qui sont favorisés, pour contribuer à former une communauté ouverte apprenante, là aussi sans dogmatisme aucun”. Un de ses objectifs actuels est de casser les mythes autour de la classe inversée (dans l’idée de certains il s’agit d’un modèle unique très lié au numérique) pour montrer la diversité DES classes inversées où chacun peut trouver et apporter des pratiques pédagogiques permettant aux élèves de progresser dans leurs apprentissages.
Depuis 2015, ILC considère que 10 000 à 15 000 enseignants ont été inspirés à des degrés divers par l’association via les échanges en ligne, les CLIC (colloques) et la CLISE (semaine de la classe inversée où les enseignants “inverseurs” ouvrent leur classe aux visiteurs intéressés).
P@tchWØrk doit son nom au désir de fédérer des enseignants qui se posent les questions fondamentales de la pédagogie en y apportant chacun sa vision, sa touche personnelle et sa créativité. Dans ce collectif la liberté prime, chacun fait ce qu’il peut, quand il veut, il n’y a pas de pression à être productif mais un plaisir d’échanger, d’aller et venir, de se lancer des défis dans une ambiance conviviale.
Les questions fondamentales de la pédagogie sont les mêmes pour tout le monde, seule la coloration change. Une thématique est fixée, par exemple l’évaluation, les rendez-vous avec les parents… et chacun est invité à apporter ses pratiques, ses idées, ses réflexions dont on retrouve la compilation, en patchwork, sur le site.
Pour pouvoir organiser un événement en présentiel, Patchwork est devenu une association en gardant le souci de ne rien figer et de ne surtout pas s’installer dans un entre-soi.
M@ths en-vie est un collectif qui est né à partir d’une animation pédagogique à succès préparée par un ERUN et une CPC de la circonscription de St Gervais/Pays du Mont-Blanc en 2016 dans l’académie de Grenoble. La proportion importante de professeurs des écoles qui ont mis en oeuvre le dispositif présenté dans leur classe et leur contribution active pour améliorer le projet a déclenché une dynamique qui a pris de l’ampleur. M@ths en-vie se présente ainsi sur son site : “un projet interdisciplinaire en français et mathématiques basé sur de nombreuses activités variées du cycle 1 au cycle 4. Ces activités sont conçues autour de supports numériques (photos, vidéos, pages web) qui ne sauraient être que de simples illustrations. Ils contiennent un ou des éléments mathématiques qu’il est nécessaire de prélever pour pouvoir résoudre le problème.” De fil en aiguille M@ths en-vie est devenu une association qui a créé des collectifs et des chantiers pour élaborer des outils pédagogiques et les mettre à la disposition de tous. Il forme aussi des formateurs et essaime via les réseaux sociaux.
La genèse toute particulière de ce collectif, issu d’un moment institutionnel, montre bien qu’il est essentiel que les animations pédagogiques ne soient pas uniformisées et verrouillées depuis le ministère avec des trames toutes faites !
Relations et synergies entre les collectifs d’enseignants et l’institution
Au départ ces collectifs naissent d’aspirations des professeurs : besoin d’échanger, de se former, de réfléchir et travailler ensemble entre pairs. De façon organique, sans forcément de stratégie particulière au départ, ils se font connaître, diffusent leurs travaux, essaiment grâce à une dynamique de partage et de valorisation du travail pédagogique des enseignants. La visibilité sur les réseaux sociaux et le bouche à oreille IRL (In Real Life) les font grandir. Tous témoignent de l’importance de laisser du temps pour que les graines semées par le collectif trouvent des terrains favorables où la germination peut commencer…
Si ces collectifs se forment et vivent le plus souvent en marge de l’institution, ils n’ont pas de raison d’être en tension avec elle car les enseignants qui les composent sont dans l’institution.
Canopé qui a pour mission de former les enseignants, s’appuie volontiers sur les collectifs dont le travail correspond à des besoins de développement professionnel et aussi parce que la passion qui en émane est communicative et motivante. La dynamique informelle du collectif qui permet les échanges inter-degrés et inter-disciplinaires, qui accompagne, qui s’ancre dans la pratique concrète et enrichit les pratiques de façon souple est un vrai plus pour prolonger le moment de formation proprement dit.
La DANE de Montpellier quant à elle fait une veille sur ce que font les collectifs et relaie. Pendant la crise des webinaires ont été proposés avec la participation de collectifs enseignants, il ne s’agit pas de “récupérer” les collectifs mais de travailler en synergie avec eux et de contribuer à les faire connaitre.
La DANE de Montpellier reconnait que la veille qu’elle fait sur les collectifs enseignants lui permet de se maintenir à niveau.
Pour ne pas conclure…
Cela n’a pas été évoqué pendant cette table ronde mais… le succès des collectifs d’enseignants est tel que des projets relevant de l’EdTech ou de démarche politique se présentent comme étant des “collectifs d’enseignants” pour tenter de profiter de la bonne image que ces derniers ont, tant auprès des professeurs que de l’institution. Quand un phénomène commence à être instrumentalisé et dévoyé, c’est que son succès est patent.
La rencontre entre le besoin de travailler ensemble, de mutualiser et de réinventer un métier passionnant qui évolue sans cesse et les possibilités de se rencontrer et de collaborer en ligne génère ces collectifs enseignants qui n’ont effectivement aucune raison d’être rejetés par l’institution qu’ils peuvent par contre inspirer. Souples et dynamiques, ne débouchant pas forcément sur une association constituée, ils sont une richesse et autant d’occasions de se libérer du carcan institutionnel pour contribuer joyeusement au développement professionnel des enseignants pour le plus grand bénéfice de leurs élèves.
Cette conférence est disponible en replay pour les participants inscrits à LUDOVIA#17 via votre inscription et ce jusqu’au 15 novembre. Elle sera disponible pour tout le monde à compter du 16 novembre, sur ce même article LUDOMAG.
Synthèse réalisée par Stéphanie de Vanssay