A l’occasion de l’université d’été de Ludovia, 17ème édition, de nombreux enseignants et autres membres de la communauté éducative vont venir présenter leur expérience avec le numérique sur le thème de l’année, « Injonctions numériques : entre techno-enthousiasme et pratiques collectives ». Ludomag se propose de vous donner un avant-goût de ces ateliers jusqu’au début de l’évènement, lundi 24 août.
Grégory Michnik présentera « Faire une sortie scolaire en temps de confinement » sur la session II « TERRITOIRES, ESPACES ET TEMPS D’APPRENTISSAGE » .
Problématique pédagogique :
Le confinement COVID19 a été source de nombreuses interrogations quant à la continuité pédagogique. L’enseignement des sciences de la vie et de la Terre a le souci constant d’être le proche du terrain possible dans l’objectif de comprendre le monde dans toute sa complexité, ce qui nécessite d’être au plus proche de l’objet que l’on souhaite comprendre, en l’observant, en le mesurant et en expérimentant dessus. C’est une demande institutionnelle forte à laquelle chaque professeur de SVT en France doit répondre. Cette démarche scientifique fondée sur le réel a été bien mise à mal par l’enseignement à distance : le travail réalisé en laboratoire habituel ne pouvant se faire qu’avec les moyens du bord et des produits existant dans la cuisine de la famille. Les sciences de la Terre et notamment les thèmes abordant la géologie se fondent particulièrement sur la visite de sites ayant un intérêt particulier.
En classe de Seconde, niveau crucial concernant l’orientation des élèves, les enseignants de SVT réalisent une sortie géologique pour découvrir concrètement un paysage et tenter de comprendre comment il s’est formé. Une visite d’une exploitation agricole est également une demande institutionnelle afin de comprendre le fonctionnement concret d’un agrosystème et avoir un aperçu de divers métiers en rapport avec l’agriculture. Comment respecter la demande institutionnelle d’ancrage des enseignements des sciences de la Vie et de la Terre, en période de confinement ?
Telle a été une des problématiques les plus difficiles à résoudre au cours du 3ème trimestre de l’année scolaire qui vient de s’achever.
Apport du numérique :
Le numérique a été évident la planche de salut pour résoudre cette problématique. Au cours du confinement, est arrivée la nécessité de réaliser une visite virtuelle des sites que nous devions faire en réalité au printemps : un site géologique remarquable à la frontière belge qui permet d’atteindre tous les objectifs notionnels scientifique du programme officiel et une pommeraie qui aurait permis de rencontrer un exploitant agricole. La richesse de la première sortie est le site naturel lui-même, extrêmement riche et diversifié. Concernant la seconde, la richesse est surtout la possibilité de rencontrer l’exploitant agricole et avoir un apport direct d’un professionnel du terrain sur l’exploitation concrète d’un agrosystème.
A partir d’image prise avec une caméra en 360° et de diverse photos et vidéos, j’ai ainsi réalisé des parcours virtuels dans lequel j’ai favorisé l’immersion en ce qui concerne la sortie dans le site géologique. Ma volonté était que les élèves confinés aient vraiment l’impression d’être dans la nature. En utilisant Tour Creator et Ocurus, la visite virtuelle inclus des photosphères, du son d’ambiance, des commentaires, des photos de détail de certaines roches et des fossiles et enfin de la documentation permettant de comprendre la formation du paysage observé. Les logiciels utilisés permettent d’obtenir des parcours de visite accessible sur une large variété d’appareils numériques : smartphone, PC, casque de réalité virtuelle (Oculus ou Carboard).
L’utilisation de Google expédition permet à plusieurs personnes distantes de se retrouver au sein du même espace virtuel. Le professeur peut ensuite guider les élèves et décrire les principaux points à observer. Ainsi, bien que confinés, des élèves ont un instant été rassemblés sur un site naturel virtualisé, avec le professeur et pu faire une visite telle qu’elle aurait dû être faite sur le terrain. Cette visite bien entendu peut se refaire par la suite autant de fois que l’on souhaite, de manière complètement autonome.
La deuxième visite virtuelle réalisée, dans une exploitation agricole, devait favoriser les interactions avec l’agriculteur. Celle-ci a donc été scénarisée et bâtie avec Genially. J’ai ainsi tenté de reproduire l’interaction avec une personne extérieure qui n’était pas accessible pendant le confinement avec un dialogue préconfiguré. Cette visite devait pouvoir se faire de manière complètement autonome. J’y ai ainsi intégré un module de “Chatbot” qui renforce le sentiment d’interaction « question-réponse » avec l’agriculteur, en prédéfinissant des questions et des réponses et des cheminements multiples. Le module est intégré dans un environnement Genially via un iframe. Il pourrait cependant être utilisé isolément. L’outil utilisé, qui demande un petit temps de prise en main, est Snatchbot. Il est largement utilisable dans sa version gratuite pour un usage éducatif.
Relation avec le thème de l’édition :
La situation du confinement m’a poussé dans mes retranchements dans ma volonté de toujours ancrer au maximum mon enseignement sur le réel et le terrain, telle que cela est demandé par les programmes. J’ai pu retrouver une forme d’enthousiasme à réinventer mes activités de laboratoire et numériques dans cette circonstance exceptionnelle qui portera aussi des fruits lorsque nous retrouverons un mode d’enseignement normal. Mon objectif était d’aller au-delà de la classe virtuelle, en créant une classe de terrain virtuelle. L’atelier que je propose permettra aux participants de découvrir et prendre en main les outils faciles d’accès afin de les aider à réaliser leurs propres classes virtuelles de terrain.
Synthèse et apport du retour d’usage en classe :
La mise en application des parcours de visite virtuelle a créé chez mes élèves un enthousiasme : pour eux, enfin une activité qui sorte de l’ordinaire et qui, en plus, leur ont permis d’avoir l’occasion de s’évader de leur confinement et de retrouver leurs camarades de classe ! Certains élèves ont ainsi demandé à refaire la visite virtuelle ensemble avec, certes avec comme objectif d’avoir davantage de précisions et d’aide quant aux éléments à observer, mais aussi pour le plaisir d’être dans la nature certes virtualisée avec leurs amis, eux, bien réels.
Concrètement, et par expérience, je peux affirmer que la sortie virtuelle est tout de même plus efficace que la sortie réelle : la possibilité de refaire plusieurs fois la sortie, les documents contextualisés, la concentration plus importante des élèves qui ne sont pas tentés d’aller bavarder à la fin du groupe, la plus grande précision dans les explications qui ne sont pas faite en haussant la voix pour que tout le monde entende. Sans compter bien entendu, l’aspect « sécurité » qui n’est pas à gérer. La compréhension de la dynamique du paysage est ainsi beaucoup plus rapide. Cependant, les aspects tactiles, physiques, de fouille, d’échantillonnage, de mesure, de récolte et même sportifs sont totalement absents. Sortir concrètement sur le terrain, plus que d’essayer de le comprendre, c’est aussi comprendre des choses sur soi-même : ses limites physiques, ses appétences naturalistes, sa curiosité, ses craintes et la peur de l’inconnu.
Les limites rencontrées ont été matérielles : la qualité de la connexion surtout, des élèves n’ayant pas de wifi à domicile ou très peu de réseau cellulaire. La possibilité d’utiliser différents supports a été tout de même déterminante tant les appareils employés par les élèves chez eux peuvent être variés.
Plus d’infos sur : Grégory Michnik
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