A l’occasion de l’université d’été de Ludovia, 17ème édition, de nombreux enseignants et autres membres de la communauté éducative vont venir présenter leur expérience avec le numérique sur le thème de l’année, « Injonctions numériques : entre techno-enthousiasme et pratiques collectives ». Ludomag se propose de vous donner un avant-goût de ces ateliers jusqu’au début de l’évènement, lundi 24 août.
Christophe Gilger présentera « M@ths en-vie, ou comment à travers un projet naissent des communautés qui collaborent et œuvrent à leur propre développement professionnel » sur la session III « ENSEIGNER ET SE FORMER AU XXIEME SIECLE » .
Problématique pédagogique :
En termes disciplinaires
L’enquête TIMMS 2016 et la dernière enquête PISA pointent le manque d’ancrage au réel de l’enseignement des mathématiques, tant dans l’observation du monde réel que dans les situations proposées, notamment en résolution de problèmes.
Stella Baruk, professeur de mathématiques et chercheur en pédagogie, a déjà dénoncé largement l’absence de sens donné par un grand nombre d’élèves en mathématiques.
Dans l’expérience menée à l’IREM de Grenoble, au problème suivant : « Sur un bateau, il y a 26 moutons et 10 chèvres. Quel est l’âge du capitaine ? » sur 97 élèves, 76 ont donné une réponse en utilisant les nombres figurant dans l’énoncé : 26 ans ou 10 ans !
Nous avons tous vécu ce type d’expérience déconcertante qui nous questionne : mais comment les élèves peuvent-ils arriver à de tels résultats ?
Les nouveaux programmes en maternelle mettent l’accent sur l’importance d’ancrer les apprentissages dans le vécu des élèves parce que justement, le sens est construit par l’expérience.
Le domaine des grandeurs et mesures illustrent bien l’importance d’avoir vécu les situations concrètes avant d’utiliser les unités consensuelles puis de les intégrer à des situations abstraites de calcul dans les problèmes.
Comment donner du sens à des calculs sur des distances sans se représenter ce qu’est une longueur, un centimètre, un mètre ?
Comment calculer le temps nécessaire pour se rendre d’un lieu à un autre si on n’a jamais éprouvé la différence entre une seconde et une heure ?
L’accès au sens passe donc par le vécu d’abord, puis une représentation de la situation (dessin, schéma, scénario…) pour aller vers une abstraction complète.
L’importance de la langue dans les énoncés de problème est également à souligner et à enseigner. Le langage courant, le langage scolaire et le langage mathématique peuvent constituer des obstacles à l’accès au sens pour les élèves.
Tous ces constats font que certains élèves que nous présentons comme très pertinents et ayant des capacités certaines en logique et en mathématiques, peuvent, lors de situations réelles, sembler perdre ces compétences lors du passage à une situation problème scolaire présentée sous forme d’un énoncé écrit.
Apport du numérique :
Un projet pédagogique qui s’appuie sur des supports numériques
Toutes les activités proposées dans M@ths en-vie tournent autour de supports numériques : des vidéos, des pages web et notamment des photos numériques prises dans l’environnement quotidien des élèves. Un simple appareil photo dans la classe peut permettre de se lancer dans les différentes activités.
En exerçant les élèves à repérer des situations réelles pouvant faire l’objet d’un investissement mathématique, ils se créent un répertoire de représentations qu’ils pourront ensuite mobiliser dans d’autres situations similaires.
À travers les supports réalisées ou mobilisés par les élèves et utilisées dans le cadre de ce dispositif :
– les élèves construisent l’intérêt d’apprendre les mathématiques parce que cette discipline s’inscrit dans leur réalité de tous les jours ;
– les élèves mettent du sens derrière chaque donnée et mettent alors en œuvre des procédures de résolution cohérentes ;
– les élèves construisent des ordres de grandeurs et exercent un regard critique sur les solutions de leurs problèmes.
L’utilisation de la photo permet alors de construire ce temps intermédiaire entre une situation vécue, réelle et une abstraction complète.
Des outils numériques au service de la démarche
Au delà des supports numériques utilisés, les classes qui ont pu s’engager dans M@ths en-vie ont toutes mis en œuvre de nombreux autres outils numériques qui ont trouvé naturellement leur place et leur pertinence dans le dispositif :
– usages du vidéoprojecteur pour travailler collectivement sur les photos ;
– usages du tableau interactif pour manipuler et annoter les photos ;
– usages d’outils collaboratifs tel Padlet pour construire des énoncés de problèmes à partir de photos prises par les élèves ou pour se constituer des banques de photos et d’énoncés ;
– usages de réseaux sociaux pour participer à des projets collaboratifs entre classes ;
– usages de tablettes numériques pour travailler instantanément sur les photos prises par les élèves et pour réaliser des sorties mathématiques ;
– usages de sites internet d’école pour publier ses problèmes et les mettre à disposition d’autres élèves (notamment dans le cadre de la liaison CM2/6°)…
Des outils numériques au service de la communauté
Les développement de M@ths en-vie a pour origine la diffusion du projet sur les réseaux sociaux et la création de communautés enseignantes au travers de plusieurs outils :
– la page et le groupe facebook ;
– le compte twitter ;
– le compte Instagram.
Ces réseaux ont permis la diffusion et la mutualisation d’usages et de ressources autour du dispositif. Les productions sont relayés sur des blogs d’enseignants, via un espace de mutualisation sur le site « L’espace des classes » ou postés sur les réseaux mis en place pour le projet.
Des outils numériques en lien avec le monde numérique dans lequel vivent nos élèves
La création et l’utilisation de réseaux sociaux élèves (avec des comptes classes), au-delà des objectifs pédagogiques et disciplinaires :
– créer une émulation autour de la résolution de problèmes, tant pour les élèves que pour les enseignants ;
– susciter des questionnements et des échanges mathématiques autour de situations concrètes, en nourrissant un fil de discussion ;
– offrir aux enseignants des situations supports à des activités de recherche mathématiques ;
…permet également de travailler diverses compétences qui nous semblent nécessaires au regard du monde numérique dans lequel nous vivons et ce, au travers les points suivants :
– la collaboration : engager des échanges entre élèves et amener des classes à collaborer ;
– les usages : changer l’image des réseaux sociaux auprès des enseignants, des parents et des élèves en les confrontant à un usage pédagogique ;
– la formation du citoyen : aborder les usages responsables et citoyens des réseaux sociaux à travers une mise en situation concrète.
Relation avec le thème de l’édition :
Petit retour historique qui nous semble nécessaire afin d’expliquer quels peuvent être les leviers pour engager des collectifs dans une réflexion pédagogique et initier un réel développement professionnel.
M@ths en-vie est un projet innovant porté initialement par la circonscription de St Gervais/Pays du Mont-Blanc et initié par Carole Cortay, conseillère pédagogique et Christophe Gilger, ERUN (Enseignant Référent pour les Usages du Numérique et Référent Mathématiques de Circonscription). Parti à la base d’une animation pédagogique, il a été accompagné dans les classes des premiers participants. Un site internet a immédiatement été mis en place afin de leur mettre à disposition toutes les ressources proposées lors du temps de formation.
Le projet a alors été soutenu par la DANE de Grenoble dans le cadre des « Heures du Numérique », puis repéré par la CARDIE de Grenoble et labellisé « Projet innovant ». Il a pu être présenté et diffusé lors de formations de formateurs, au travers de plusieurs animations pédagogiques et lors de salons autour du numérique éducatif organisés par la DSDEN de la Haute-Savoie ou CANOPE 74 et relayé par des DANE, des groupes académiques ou des circonscriptions.
La mise à disposition d’une mallette du formateur, diffusée à 682 formateurs, a grandement contribué à la diffusion du dispositif auprès de milliers d’enseignants lors de plans de formations.
Même si M@ths en-vie reste porté par l’institution (intégré à des plans de formation, relayé sur Primabord, Eduscol_maths…), diverses associations ou organismes en lien avec le numérique et les mathématiques soutiennent le dispositif ainsi que de nombreux enseignants via leurs réseaux et/ou leurs blogs.
Au fil des jours, le projet révèle de nouvelles potentialités et notamment par les apports de toute la communauté. Il est donc apparu évident de le structurer en association avec pour buts :
– de réunir tous ceux qui souhaitent soutenir, faire vivre et développer la démarche proposée dans le dispositif M@ths en-vie ;
– de promouvoir l’enseignement des mathématiques sous toutes ses formes ;
– d’encourager, de développer et de diffuser des ressources originales et innovantes ;
– d’organiser des collectifs apprenants et favoriser le travail collaboratif.
M. Philippe Roederer, membre d’honneur de Maths’n Co, présente, au travers de cette aventure, une vision de ce que pourrait être « enseigner et se former au XXI ème siècle » que nous partageons :
« Ancrer les mathématiques au réel afin d’améliorer la compréhension en résolution de problèmes !
C’est l’ambition du dispositif M@ths en-vie qui, depuis 2016, permet à des milliers d’enseignants de donner à leurs élèves du goût pour la résolution de problèmes. D’animations pédagogiques en conférences, de webinaires en présence sur de nombreux évènements, de Twitter à Facebook, M@ths en-vie est devenu incontournable dans le paysage pédagogique actuel.
M@ths en-vie est un succès parce que les enseignants qui s’en inspirent savent que la résolution de problèmes est le cœur de l’activité mathématique à l’École. En faisant résoudre des problèmes à leurs élèves, ils en font la finalité, le vecteur essentiel d’acquisition des savoirs et des savoirs faire mathématiques. Ils apprennent à leurs élèves à chercher, à émettre des hypothèses, à élaborer des stratégies, à confronter leurs idées.
Grâce au collectif M@ths’n Co, c’est toute une communauté d’enseignants connectés qui collaborent et œuvrent à leur propre développement professionnel. Cette dynamique de mutualisation est particulièrement féconde et participe du développement de cette culture de l’horizontalité qui a fait le succès d’autres collectifs parmi lesquels Twictée et EMC partageons sont des exemples inspirants. Partager, collaborer, faire preuve de solidarité professionnelle, c’est tout l’adn de notre profession. »
Voir l’ensemble des relais et soutiens : https://www.mathsenvie.fr/?p=2456
Synthèse et apport du retour d’usage en classe :
Le dispositif M@ths en-vie a pu être proposé à plusieurs centaines d’enseignants lors d’animations pédagogiques ou de conférences. Nous avons suivi certains enseignants dans leur classe qui se sont appropriés, chacun à leur manière, le dispositif.
Voici les constats réalisés en tant que formateurs :
– Le dispositif est plébiscité par les enseignants lors des animations pédagogiques et massivement mis en œuvre dans les classes.
– Chaque enseignant s’approprie le projet de façon très différente, dans le ou les domaines mathématiques qu’il souhaite. Les activités s’insèrent naturellement dans les progressions et programmations établies.
– Les activités sont facilement appropriables et ne modifient pas l’organisation pédagogique de la classe, même si elle permet d’induire des modalités d’organisation différentes : par exemple, nous avons constaté que dans toutes les classes des travaux de groupe avaient été mis en œuvre.
– Les activités de M@ths en-vie favorisent les activités de recherche, le travail de groupe et la collaboration entre élèves.
Et en tant qu’enseignant :
– Constat d’un très fort engagement des élèves dans les activités, notamment pour des élèves qui ne rentraient jamais dans les taches de résolution de problèmes.
– Meilleure réussite des élèves en difficulté lors des temps de résolution de problèmes.
– Les photos favorisent la compréhension des situations et la réalisation de schéma aidant à la résolution.
– Les différentes données utilisées dans leur contexte permettent aux élèves de construire des répertoires de grandeurs.
– Les activités permettent de travailler parallèlement la maîtrise de la langue écrite car de nombreuses situations de production peuvent être mises en œuvre : rédaction de consignes, d’énoncés, de phrases pour expliciter les données, d’histoires mathématiques… Les compétences orales sont également mise en jeu de par le travail sur le vocabulaire mathématique, la verbalisation des situations, la justification des procédures…
– Les élèves ne sont plus « exécutants » mais producteurs : prises de photos et production d’énoncés notamment.
Résultat d’une expérimentation menée auprès de 179 élèves de CP, CE1 et CE2 (CE1 dans leur grande majorité) : https://www.mathsenvie.fr/?p=1489
Plus d’infos sur : Christophe Gilger
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