A l’occasion de l’université d’été de Ludovia, 17ème édition, de nombreux enseignants et autres membres de la communauté éducative vont venir présenter leur expérience avec le numérique sur le thème de l’année, « Injonctions numériques : entre techno-enthousiasme et pratiques collectives ». Ludomag se propose de vous donner un avant-goût de ces ateliers jusqu’au début de l’évènement, lundi 24 août.
Jean-François Céci présentera « Pré-disponibilité numérique des supports de cours » sur la session du mardi 25 août matin « L’ACCÈS AUX RESSOURCES ET AUX CONTENUS PÉDAGOGIQUES DANS UNE SOCIÉTÉ NUMÉRIQUE. » .
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Problématique pédagogique et apport du numérique :
Nous définissons la «pré-disponibilité numérique» d’un support de cours, comme sa fourniture et son accessibilité avant la date du cours, par tout moyen technique relevant des TICE, pour permettre aux apprenants un travail préparatoire.
Or cette pré-disponibilité numérique est au centre de nombreuses controverses, car elle génère des présupposés ou représentations bloquantes, à la transmission souvent virale. En effet, tout être humain possède un avis sur à peu près tout, du commérage de couloir au phénomène scientifique étayé! Cela constitue un «fait social total» pour reprendre l’expression de Marcel Mauss(1923), et le milieu éducatif n’y échappe pas. Ainsi, les discussions de pauses café, de «salle des profs»ou «photocop»sont parfois emplies de présupposés et représentations diverses de phénomènes sociaux, complexes à décoder. Nous avons tendu l’oreille à une conversation portant sur la mise à disposition «à l’avance»du cours des supports de cours, au format numérique. Les propos étaient à peu près de cette teneur,entre Lucien et Jacques [1], deux enseignants universitaires:
– Je n’ai pas pu faire mes photocopies pour mon cours de 11h, je suis bien embêté…
– Enfin Lucien, pourquoi n’utilises-tu pas des supports numériques, et tu les distribue via l’ENT ou par mail ? J’en ai fini avec le papier et je gagne un temps fou…
– C’est toi qui est fou Jacques, tu ne te rends pas compte de ce que ça implique…
– Que veux-tu dire?
– Si je mets mes cours accessibles à l’avance en numérique, les étudiants vont les récupérer et ils ne viendront plus en cours! Déjà que j’ai pas mal d’absentéisme…En plus ça sert à rien, ils ne les lisent pas avant de venir. Dès lors que tu leur donne un poly, ils ne prennent plus de notes, ne t’écoutent plus et passent leur temps à regarder leurs écrans. Non désolé mais pour moi, mettre à l’avance un cours en ligne, cela revient à se saborder et finir sans boulot, avec des amphis vides!
– Tu y vasun peu fort Lucien, il faut faire un peu plus confiance aux jeunes…
Cette discussion «anecdotique» révèle une problématiqueréelle,ressentie par nombre d’enseignants autour de la mise à disposition à l’avance des cours, de leurs supports. Nous avons donc cherché à savoir, de manière empirique, si cette «pré-disponibilité numérique» des supports était génératrice d’absentéisme et de distraction en cours, ou a contrario, encourageait les étudiants à lire le support avant le cours, à être plus disponible en cours et donc plus attentif et enfin, à prendre des notes plutôt sur papier ou sur écrans.
Pour répondre à ces questions, nous utilisons les résultats d’une enquête sur les usages du numérique éducatif, des jeunes du collège à l’université et de leurs enseignants, menée en 2017, pour illustrer les représentations de ces acteurs autour de la pré-disponibilité des supports de cours. Au final, est ce souhaitable de fournir à l’avance les supports de cours? Est-ce lié au niveau d’étude?
En première partie de l’atelier, nous répondrons à ces questions, vérifierons chaque point de la représentation de Lucien à propos de cette pré-disponibilité numérique et tenterons même de deviner le profil de Lucien à l’aune de nos résultats.
En deuxième partie de l’atelier, nous mettrons en pratique la pré-disponibilité numérique des supports de cours,à travers une large diversité d’outils collaboratifs indispensables à tout enseignant souhaitant amplifier ses dispositifs pédagogiques à l’aide du numérique.Nous répondrons enfin collectivement aux interrogations des enseignants désirant instrumenter leur pédagogie (besoins spécifiques).
[1] Prénoms anonymisés et transcription de mémoire, réalisée dans la foulée en janvier 2015
Public visé et matériel :
Cet atelier vise les enseignants et formateurs de tous niveaux, souhaitant comprendre les enjeux et amplifier leur pédagogie avec le numérique. Pour la partie pratique, Il est proposé aux participants de venir avec une tablette, un ordinateur portable ou un smartphone. Une connexion Internet 4G est conseillée (hors connexion wifi disponible pour le groupe).
Synthèse et apport du retour d’usage en classe :
Cet atelier est issu d’un cours intitulé «enseigner à l’ère du numérique», dispensé au sein d’une L3 orientée «sciences de l’éducation». Ces futurs enseignants doivent faire preuve d’adaptation à tout environnement scolaire, avec ou sans numérique. Ce cours développe donc une approche amplificatrice du numérique éducatif, avec des solutions de secours en cas de panne ou d’indisponibilité.
Cet atelier permettra aux enseignants innovants ,d’être plus critique et efficace pour l’intégration du numérique en éducation, grâce à une représentation plus fine des enjeux.
L’approche outils de cet atelier, provient de cas concrets de dispositifs pédagogiques avec appui numérique, éprouvés avec les L3. Les connaissances et habiletés développées sont très rapidement réutilisables. Chaque année, nous voyons des étudiants réfractaires au numérique, collaborer et mettre en place des stratégies numériques cohérentes (pas de numérique juste pour mettre du numérique), au sein des cours qu’ils conçoivent.
Enfin, bien au-delà de l’usage formel en classe, la plupart des outils abordés durant cet atelier sont utilisables dans le cadre d‘un usage personnel, étoffant la culture et les habiletés numériques de l’usager. Le choix des outils découle d’ailleurs de ce concept, car nous sommes persuadés qu’il doit y avoir une continuité d’usages du numérique entre l’informel et le formel, entre le personnel et le scolaire, pour que le numérique éducatif soit efficace. Ainsi l’innovation pédagogique à destination de l’institution est aussi une innovation sociale et personnelle, dont l’enseignant profite dans ses usages quotidiens.
Plus d’infos sur : Jean-François Céci
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