Deuxième partie, découvrir le cadre francophone et leurs différentes mises en œuvre.
Nous avions terminé l’épisode 1 sur les Pecha Kucha des différents intervenants sur le pilotage effectué par différents établissements.
La seconde partie de l’avant-midi a vu certains acteurs des Pecha Kucha du matin rejoint par d’autres participants. Ainsi, si Danielle Boucher pour le Québec et Lyonel Kaufmann pour le canton de Vaud sont revenus sur scène, ils ont été accompagnés par Sébastien Reinders représentant la Wallonie et Jean-Paul Moiraud responsable de formation à l’IH2EF (Institut des hautes études de l’éducation et de la formation) qui succède à l’ESENESR.
Le maître du temps et de la parole lors de cette table ronde était Laurent Pinel, adjoint au DASEN pour le premier degré (département de l’Aisne) qui a tout d’abord introduit la table ronde en dédiant celle-ci à un regard croisé et international sur le pilotage numérique et le pilotage des écoles, des établissements.
En effet, explique Laurent Pinel, qu’il/elle soit directeur(trice), principal(e), proviseur(e) ou inspecteur (trice), quel que soit le nom donné à l’établissement ou à sa position autorité hiérarchique ou fonctionnelle, la table ronde abordera la fonction de ceux ou celles qui tiennent la barrent, qui guident, accompagnent et facilitent.
Mais si son rôle le/la mène à diriger une équipe, impulser des projets et mettre en place des dispositifs dont le seul objectif est la réussite des élèves des établissements dont il a la responsabilité, ce pilote fixe-il le cap seul ?
De la communication interne et externe au développement des compétences numériques et citoyennes des élèves comme des professeurs et à l’équipement, l’envie est de démontrer au cours de cette table ronde comment le numérique peut être un levier, voir un nouveau moteur de pilotage des écoles et des établissements.
Se reportant sur Danielle Boucher pour la première question, Laurent Pinel demande quelle est la vision, au Québec, concernant la mise à disposition des outils.
Danielle Boucher explique, en réponse, la méthodologie du plan numérique au Québec, de la préconisation ministérielle à la déclinaison dans l’école. Selon elle, le virage technologique que connaissent nos sociétés aujourd’hui, nous obligent à repenser l’éducation du XXIs. Les apprenants doivent être plus habiles et agiles. De ce fait, pour mettre en place une politique éducative ambitieuse, il est nécessaire d’intégrer l’expérience et les réactions des acteurs de terrain.
C’est dans cet état d’esprit que le gouvernement du Québec a mis en place le plan d’action numérique le 30 mai 2017. A partir des consultations, l’objectif est d’outiller les apprenants bien au-delà de la technologie. Il s’agit d’actionner les leviers qui soutiendront la progression des apprentissages des élèves.
Cette politique éducative mise en œuvre par le ministère a grandement facilité le travail des chefs d’établissement ; ces personnels pivots qui inspirent, impulsent et facilitent. Cette stratégie s’est avérée payante puisque Danielle Boucher souligne la fluidité des communications « down top et top down« .
La question suivante se tourne vers la Wallonie et en contradiction avec l’intervention québécoise, demande la description du plan de pilotage numérique en Wallonie, qui propose une vision partant d’un projet issu de l’école à la prise en charge par la Région.
Digital Wallonia (le plan numérique de la région Wallonne) n’est pas prescripteur de la politique éducative. Il participe cependant au développement numérique de l’établissement en finançant les projets pédagogiques des établissements scolaires. C’est plus de 500 implantations qui sont ainsi mises en projet chaque année au travers de communautés d’enseignants menant des projets de terrains. Ces projets sont également suivis et accompagnés par des conseillers techniques et pédagogiques issus des administrations.
Lyonel Kaufmann rebondit sur l’intervention en expliquant la mise en place des 10 établissements pilotes dans le canton de Vaud avec une vision tendant à la généralisation par la suite. Rappelant l’autonomie de chaque canton pour l’éducation, il confirme la priorité politique de mener une stratégie faisant appel à des projet au sein des établissements. Les premiers retours montrent cependant des difficultés dans les usages, dans la mise en œuvre des outils utilisés. Il y a donc un focus important à effectuer sur le suivi des projets.
Enfin Lyonel Kaufmann conclut et rappelle que c’est surtout au travers de l’adhésion au projet que la réussite de celui-ci survient. L’adhésion souhaitée du chef d’établissement, des enseignants mais également des collectivités locales.
Se tournant vers Jean-Paul Moiraud, Laurent Pinel lui demande quels outils numériques celui-ci conseillerait-il à un cadre en formation statutaire ?
Les orientations prise par la formation délivrée par l’IH2EF fait passer l’outillage intellectuel avant l’outil avance d’entrée Jean-Paul Moiraud. Il s’agit de favoriser le changement posture en valorisant la collaboration, la coopération et l’intelligence collective. L’objectif est de montrer l’intérêt et la place des outils numériques dans pilotage.
Jean-Paul Moiraud invite ensuite le public à réfléchir aux interactions dans les espaces numériques et au choix de l’outil qui facilite la coopération et la collaboration. Outil est une notion polysémique. Parler d’outillage intellectuel permet de s’interroger sur les gestes professionnels. Les outils témoignent de phénomènes de plus en plus prégnants comme la mobilité. On peut s’interroger sur la place et les usages du smartphone pour les personnels de direction.
La table ronde passe ensuite dans une seconde phase de questions s’attachant particulièrement sur le rôle du chef d’établissement et les bonnes stratégies.
Partant du constat Wallon, Sébastien Reinders explique qu’il est difficile de savoir s’il y a une bonne stratégie. Il y a, en tout cas, de bons ingrédients pour mobiliser les équipes pédagogiques. Il faut savoir orienter et impulser des dispositifs. Cela passe par la nécessaire acculturation de l’ensemble des personnels de l’établissement. Il faut laisser une part à la curiosité et à la découverte. Enfin, il est important de laisser les enseignants la possibilité de proposer des projets que le chef d’établissement appuie et accompagne.
Laurent Pinel demande ensuite à Lyonel Kaufmann si le pilotage du numérique du directeur n’est-il pas similaire au reste de son pilotage.
En guise de propos d’introduction, Lyonel Kaufmann souligne l’importance d’un changement culturel partagé. Il nous rappelle qu’une bonne séquence pédagogique avec le numérique, c’est d’abord une bonne séquence pédagogique. Il invite à se prémunir de la vision trop verticale qui ferait confondre conduite du changement et « dada » du directeur. Il existe des enjeux propres aux numériques avec un acteur central : les collectivités locales.
En effet, les personnels de direction se muent en véritable lobbyiste afin d’obtenir les matériels de base pour répondre aux objectifs des sciences informatiques. Il est nécessaire pour ce pilotage d’associer ensemble communauté éducative mais avec des spécificités,
Dernier axe de réflexion autour de ce pilotage, la formation. Il est donc ensuite demandé Jean-Paul Moiraud, en quoi et comment une formation au et par le numérique aide les cadres en formation initiale à piloter leur établissement.
Et celui-ci de répondre que le numérique est dans la société, il est nécessaire de former les cadres pour mieux apprendre. Le numérique ne se réduit pas à des solutions technologiques, Jean-Paul Moiraud cite et s’appuie sur un échange entre Phèdre avec Thot où le premier annonce qu’il a inventé l’écriture alors que le second lui répond que son invention n’a de science que l’apparence. Le changement s’accompagne et les directeurs en sont les acteurs centraux.
Ces directeurs, acteurs centraux de la transformation numérique, c’est Danielle Boucher qui va expliquer et conclure la table ronde en présentant le rôle pivot nécessaire de celui-ci.En effet, dans la mesure où le changement dans le numérique va vite, l’impact de celui-ci dans nos vies et à fortiori est majeur.
Mme Boucher souligne l’importance de la vision du directeur mais également de l’impact du plan numérique qui permettent de déclencher et de maintenir une dynamique très positive au service de l’apprentissage des élèves. Pour les élèves, il s’agit à la fois de s’approprier les outils, d’entrer dans les apprentissages de la programmation mais également développer la citoyenneté numérique du XXI siècle.
Le directeur accompagne le changement, c’est à lui que l’on peut s’adresser quand il y a des irritants. C’est instaurer un dialogue au service de la réussite des élèves. L’humain prime, piloter un établissement c’est donner du sens, des objectifs communs. Et l’intervenante de souligner à quel point il est important de célébrer les réussites.
Enfin, la question de la gouvernance est au cœur de cette démarche. Au travers d’une démarche participative, le chef d’établissement anime la communauté éducative. Il ne faut pas non plus négliger une forme de mimétisme et la pairagogie : un enseignant qui accompagne un autre enseignant a beaucoup d’impact. Pour cela, il faut créer les conditions de la collaboration et favoriser les interactions. Pour résumer le propos de Mme Boucher, le changement se scénarise.
C’est cette intervention et cette dernière phrase qui conclut cette table ronde riche en démonstration de l’importance des différents rôles dans le pilotage de la transformation numérique des établissements scolaires.
À suivre dans le prochain et dernier épisode, récit de ce premier séminaire « Directions » à Ludovia : « tester échanger et capitaliser sur les expériences ».
Synthèse rédigée par Sébastien Reinders et Nicolas Le Luherne.