A l’occasion de l’université d’été de Ludovia, 16ème édition, de nombreux enseignants et autres membres de la communauté éducative vont venir présenter leur expérience avec le numérique sur le thème de l’année, « Intelligences & représentations du numériques dans l’éducation ». Ludomag se propose de vous donner un avant-goût de ces ateliers jusqu’au début de l’évènement, mardi 20 août.
Bénédicte Assogna présentera « Les Robots témoins de la Première Guerre Mondiale : projet de recherche savanturier en CM2 sur l’intelligence artificielle en robotique sociale » sur la session II, Culture numérique.
L’intelligence artificielle est certainement l’un des sujets les plus médiatiques du moment. Chaque semaine apporte son lot d’articles et de reportages sur ce thème, objet de tous les fantasmes. Parallèlement, Les enfants d’aujourd’hui baignent depuis leurs naissances dans la culture des robots et Ils sont les premières générations à être entourées d’Intelligence Artificielle. Ils sont donc vivement interpellés par Les débats sociétaux actuels et se mettent à rêver de robots-amis présent dans leurs existences.
Les élèves de CM2 que j’ai en technologie ne font pas exception. Ils ont émis le souhait, lors d’un brainstorming à la rentrée, de réaliser un robot intelligent qui pourrait aider les enfants à apprendre l’histoire en dialoguant avec eux . Nous avions commencé le programme d’histoire par Le Centenaire de la Première Guerre Mondiale. Il m’a paru opportun , pour leur mise en projet, de partir de leur envie de réalisation pour aborder les programmes de CM2 en histoire et technologie en décloisonnement à travers un projet savanturier, ce qui me permet également de construire une progression en pédagogie par la recherche en lien avec les programmes de l ‘Education Nationale .Ce projet savanturier est le second que j’entreprends avec eux . Ils étaient avec moi en CM1 l’an passé. Par ailleurs, un enseignement sur l’Intelligence artificielle à l’école me paraît aujourd’hui opportun dans la mesure où il permet une compréhension de ses mécanismes par les élèves et qu’il leur donne les outils nécessaires pour apprendre à s’en servir de façon constructive. Au Canada, un programme pilote appelé à former des milliers d’apprenants sur ce thème existe depuis cette année scolaire : https://lactualite.com/techno/2019/04/05/enseigner-lintelligence-artificielle-aux-enfants
L’atelier proposé part donc d’un projet pluridisciplinaire , axé sur de la recherche en intelligence artificielle et robotique sociale avec des CM2 dans le cadre du process pédagogique institué par le dispositif des Savanturiers du C.R.I :
Le robot témoin de la première guerre mondiale .Il se déroule dans un processus de pédagogie par la recherche , collaborative et de projet , ainsi que dans une progression sur deux ans en technologie robotique en cycle 3. Il part d’une question de recherche initiale qui en a amené d’autres, comme souvent dans ce type de démarche : Peut-on réalisé un robot intelligent ? Je travaille en équipe avec Vincent Barra, Chercheur et enseignant à l’ISMA de Clermont Ferrand , mentor de ce groupe classe pour la deuxième année consécutive et avec François Jourde , professeur de philosophie dans le secondaire et chargé de mission en numérique, qui a accepté de participer à des échanges philosophiques avec les élèves sur ces notions : «l’ intelligence » , « artificielle » , « le paradoxe », « le paradoxe temporel ». Toute la communauté des « Savanturiers » est également présente pour nous épauler dans ce projet ( prêt de matériel robotique, soutien de la thèse en 180 secondes des élèves, visite de classe, kit de navigation …). La carte de navigation des « Savanturiers », présente sur l’illustration de mon propos, est l’ outil central de suivi de l’ensemble de ces recherches réalisées en classe. Elle permet de visualiser concrètement les étapes du projet en cours établies d’après les huit étapes clé de la méthodologie par la recherche.
Dans le cadre d’une progression sur deux ans, les élèves participent, cette année, à trois ateliers différenciés en conception numérique en lien avec leurs envies de réalisations robotiques et les intitulés du programme. Cela dans le but de leur permettre de comprendre qu’il existe différents types de langages numériques spécifiques liés à certaines utilités . Cela leur a également permis d’évoluer dans leur progression numérique en rédigeant des scénarios, puis des organigrammes préalables à leurs programmations, et en élaborant des programmes contenant des « boucles » et non plus simplement linéaires comme l’an passé.
Trois groupes se sont donc constitués :
• le premier a réalisé un robot narrateur à partir du matériel EV3 LegoMindstorm . Ce dispositif leur permet de programmer des mouvements et de l’interaction chez le robot qui peuvent passer pour des réactions sociales, mais aussi de la parole , ainsi que des images de différents types de regards.
• Le second groupe d’élève est parti de l’histoire des animaux pendant la première guerre mondiale et de leurs relations avec les hommes pendant les conflits dans les tranchées. Ils ont travaillé à la création de tamagotchis avec de la programmation Scratch associées à des plaques Microbit afin de matérialiser l’évolution d’animaux clés présents dans l’histoire en 14-18 : Strong, un chien héroïque, un pigeon décoré pour faits de bravoures, un éléphant de cirque employé comme outil manutentionnaire lors de la conception des tranchées et la Colombe, un animal symbolisant la paix.
• Le dernier groupe a préféré réfléchir sur la notion de codes secrets employés pendant les conflits armés. Ils ont élaboré, à partir de programmes en langage Python transmis par Vincent Barra, différents scénarios d’évasions de prisons de tranchées à partir de la résolution de ces codes et de dialogues avec un joueur . Cela leur apprend qu’un programme peut également se nommer « robot » et qu’ils peuvent , sans le savoir, dialoguer en ligne avec des robots sur les réseaux sociaux, ainsi que nous avons pu en débattre en classe , qu’un programme possède une syntaxe précise et que son écriture nécessite la connaissance de cette dernière ainsi qu’une rigueur indispensable lors du passage à l’écrit sur ordinateur.
En terme de communication, L’ensemble de ce projet fait l’objet d’une publication sous forme de vidéo de thèse de recherche en 180 secondes réalisées par les élèves à partir de leur script et les réalisateurs Isabelle Bonnet-Murray et Michel AlbertGanti missionnés par le dispositif des Savanturiers. Les enfants ont également réalisé des affiches historiques et scientifiques à partir de l’outil atelier de leur E.N.T Beneyluschool et présenteront leurs robots et programmes ainsi que leur soutien de thèse lors du congrès savanturier le 07 Juin à Paris .
Ce projet Savanturier correspond au thème d’édition de LUDOVIA 16 : « intelligence et représentation du numérique dans l’éducation » à travers le thème de l’Intelligence Artificielle qui en est le principale sujet de recherche, mais également à travers les différents aspects du monde numérique qui y sont abordés, que ce soit en tant qu’outils de prospection, outils conceptuels, outils de représentation, ou objets de recherches . Sur ce dernier point par exemple, en effectuant des recherches sur les codes secrets en temps de guerre, les élèves ont découvert comment était né le Colossus d’Alan Turing pendant la seconde guerre mondiale.
En approfondissant leurs réflexions sur l’Intelligence Artificielle, les enfants ont pu constater que leur question de recherche initiale s’ouvrait sur d’autres d’ordres psychologique et philosophique. Peut-on parler d’intelligence artificielle sans tenter de définir au préalable ce qu’est l’intelligence ? Ils ont découvert que, dans ce domaine riche et complexe, dont le sujet d’étude est surtout l’imitation de l’intelligence humaine, les chercheurs des sciences mathématiques et des sciences dites sociales travaillent de concert. Au niveau de la classe, cela leur a aussi rappelé l’importance du travail en équipe . D’ailleurs, ils voient bien que leur enseignante ne travaille pas seule dans une classe fermée, mais avec des chercheurs, et d’autres acteurs de la communauté éducative dans le but de les suivre au mieux dans leurs progressions. Entre eux, chaque acteur d’un groupe de travail s’attribuant un rôle plus spécifique, ils ont pu vérifier pour la deuxième année consécutive le vieil adage selon lequel : « Ensemble on va plus loin. » Ce type de réalisations leur permettent donc de développer des qualités sociales indispensables à leurs vies futures que l’on retrouve dans les programmes de l’éducation Nationale en Education Civique et Morale.
Un projet Savanturier est , par essence, toujours très riche en matière de pluridisciplinarité , d’ouverture du monde de l’école à celui de la recherche, aux acteurs locaux…il correspond aux items généraux du programme en sciences et technologies , mais également à ceux d’autres disciplines comme le français, les mathématiques ou l’histoire . Un sujet comme l’Intelligence Artificielle dont nous ne vivons que les prémices y a donc toute sa place. A travers les aspects philosophiques du projet, j’ai également pu redécouvrir avec plaisir les grandes capacités de raisonnement des enfants dont l’expression a été rendue possible ici par le format même de la pédagogie par la recherche.
Plus d’infos sur : Bénédicte Assogna
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