A l’occasion de l’université d’été de Ludovia, 16ème édition, de nombreux enseignants et autres membres de la communauté éducative vont venir présenter leur expérience avec le numérique sur le thème de l’année, « Intelligences & représentations du numériques dans l’éducation ». Ludomag se propose de vous donner un avant-goût de ces ateliers jusqu’au début de l’évènement, mardi 20 août.
Valérie Folliet & Margault Colire présenteront « Initier une communauté d’apprentissage dès le cycle 2 » sur la session III, Espaces & temps d’apprentissage.
Problématique pédagogique :
Comment sortir de situations artificielles en classe pour amener les élèves, dès le cycle 2, à transférer et réinvestir leurs connaissances et compétences ?
Et si c’était en amenant les élèves à construire leurs propres outils d’apprentissage et à collaborer qu’on les enrôlait dans un cercle vertueux entre appropriation des savoirs, motivation et autonomie ?
Ces questions, nous nous les sommes posées très rapidement en ayant partagé à mi-temps la même classe de CE1-CE2 durant quelques mois. C’est notamment la question de l’impact de la motivation des élèves sur leurs réussites qui est au cœur de nos préoccupations pédagogiques. Notre propre motivation et émulation à travailler ensemble en tant qu’enseignantes s’est révélée contagieuse pour les élèves.
L’année suivante, bien qu’exerçant dans des établissements différents nous avons voulu poursuivre cette dynamique. Nous nous sommes tournées vers les outils numériques pour répondre à différents besoins, en commençant par une correspondance scolaire qui s’est très vite enrichie de tout un écosystème d’usages et de pratiques articulés en pédagogie de projet.
Faire le choix de partir des besoins réels des élèves et non des contenus ou des outils nous a permis de mettre en place des projets motivants et innovants. Nous souhaitons partager ce dynamisme avec d’autres enseignants et nous enrichir de leurs retours.
Apport du numérique :
S’il a commencé par de simples échanges épistolaires notre projet s’est largement enrichi au cours d’itérations progressives, et il est en constante évolution selon les besoins identifiés chez nos élèves : difficultés orthographiques (notamment pour les homophones et accords grammaticaux), marqueurs de temps spécifiques lors du jogging d’écriture pour travailler la conjugaison, différenciation pour les enfants plus lents à écrire ou non scripteurs,… en sont quelques exemples.
Chacun des outils s’inscrit dans un véritable écosystème à différents niveaux d’utilisation : réalisation de ressources, échanges entre classes et avec les familles, diffusion des productions de classes, collaboration …
Ainsi chaque jour nous commençons la classe par un échange en visioconférence entre les deux classes, un mur numérique en ligne permet de mutualiser les productions des classes mais aussi de les partager avec les familles, des outils collaboratifs sont utilisés pour des productions rédigées et réalisées en direct, la vidéo est utilisée pour produire des corrections et justifications orthographiques sur des dictées partagées, des QR Codes enrichissent les productions écrites de chants et autres productions audios réalisées par les élèves.
Relation avec le thème de l’édition :
Nous sommes convaincues que dans ce travail collaboratif entre nos classes, chaque élève, selon ses possibilités, met son intelligence au service du projet collectif de la communauté. L’engagement de tous contribue à construire chez chacun des représentations positives et productives du numérique comme outil de construction de savoirs, de collaboration, de partage et de diffusion des connaissances.
Il leur permet également de découvrir les notions d’identité numérique et de changer leur regard sur les outils numériques. Ces derniers, par leur diversité et par un usage réfléchi et éclairé, à l’aune des besoins identifiés chez les élèves ou de la nature même d’un objectif pédagogique du projet parlent à chacun (Comment travailler collaborativement à distance des points d’orthographe ? Via un Google document par exemple. Comment partager des productions intermédiaires menant à l’écriture d’un conte complet ? Via un mur numérique pour les partager entre élèves mais aussi aux familles par exemple). Il ne s’agit jamais de faire “du numérique pour du numérique” mais d’utiliser des outils numériques au service des apprentissages.
Synthèse et apport du retour d’usage :
S’apprendre des choses les uns des autres, se faire confiance : voilà où nous a menées notre manière de travailler.
Nous n’avons pas cherché à nous inspirer particulièrement de telle ou telle pédagogie. Le fil conducteur de notre fonctionnement est celui d’une adaptation permanente aux besoins des élèves. Cela nous permet une certaine souplesse pédagogique, tout en ayant des orientations (apprentissages et compétences) bien définies pour nos élèves.
Tout a débuté avec une co-conception des temps d’apprentissages entre nous, enseignantes. Des temps de réflexions, de partage, d’enrichissement, d’évolution de nos idées. Des idées trop “folles” pour être réalisées seule dans sa classe nous sont alors apparues comme à portée de main une fois en binôme. Les élèves ont très vite senti cette alchimie et émulation entre nous, ils ont vu que nous nous complétions, que nous nous soutenions.
La confiance que nous avons l’une dans l’autre pour travailler de cette façon est essentielle, et les élèves la ressentent ; ils savent que nous travaillons ensemble, pour eux et que nous y prenons du plaisir.
Il nous semble indispensable d’accorder de l’importance aux liens entre les élèves, de prendre le temps d’expliquer en quoi tel ou tel apprentissage est intéressant, d’insister sur les bénéfices du collectif par rapport à une somme d’individualités, de favoriser la prise de responsabilités, de faire prendre conscience à chacun de ses atouts et des points à renforcer, d’apprendre à nos élèves que l’erreur fait partie du processus d’apprentissage et qu’elle peut être utile si elle est identifiée et analysée…
Toutes ces façons d’intervenir dans nos classes quotidiennement ont rapidement permis de voir évoluer nos élèves dans une ambiance bienveillante, alternant les temps de travail individuels, en îlots, collectifs ou au sein de la communauté d’apprentissage.
C’est pourquoi nous avons choisi de partir en classe découverte commune durant plusieurs jours tôt dans l’année pour tisser des premiers liens, les consolider et souder deux classes afin de faire naître un sentiment d’appartenance à une communauté d’apprentissage unie.
En rentrant chacun dans nos classes, les conséquences de ce voyage ont dépassé (et de loin) nos espérances. Plus qu’un lieu physique d’enseignement, la classe s’est entendue en un espace non seulement constitué de nos deux salles, mais plus largement dans un espace numérique commun : un territoire d’apprentissage partagé. Chaque élève a alors eu l’opportunité d’y trouver sa juste place dans des temps de partages et d’échanges sociaux qui ont du sens.
La classe est devenue un vrai lieu de vie dans laquelle les élèves se sentent bien.
La confiance qui nous guide, nous enseignantes, s’est petit à petit installée dans cette communauté représentée par nos deux classes: les élèves osent demander de l’aide, ils proposent d’aller aider un camarade en difficulté, sollicitent leurs camarades pour tel ou tel apprentissage,…
Une envie d’être autonome dans ses apprentissages, de comprendre l’utilité des savoirs s’est fait sentir. Non seulement nos élèves ont-ils maintenant plus confiance en eux et en leurs enseignantes, mais ils font aussi confiance aux autres. Notre projet, notre enseignement, notre usage du numérique ont permis de faire naître chez les enfants une envie d’aider, de collaborer (entre eux) : de s’apprendre des choses les uns des autres.
Plus d’infos sur : Valérie Folliet & Margault Colire
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