A l’occasion de l’université d’été de Ludovia, 16ème édition, de nombreux enseignants et autres membres de la communauté éducative vont venir présenter leur expérience avec le numérique sur le thème de l’année, « Intelligences & représentations du numériques dans l’éducation ». Ludomag se propose de vous donner un avant-goût de ces ateliers jusqu’au début de l’évènement, mardi 20 août.
Jean-François Céci présentera « L’amplificateur pédagogique : un modèle d’analyses à 9 critères, de l’intégration du numérique en éducation » sur la session II, Culture numérique.
Problématique pédagogique :
L’usage du numérique en éducation est souvent remis en question par les différents acteurs du système scolaire. Plusieurs raisons peuvent conduire à cela : la première raison révèle un manque de maîtrise du numérique éducatif et une indisponibilité des outils et équipements nécessaires, malgré une injonction paradoxale de nos institutions à innover ; la deuxième raison porte sur les évidentes contradictions des études scientifiques sur le sujet. En effet, il est difficile de s’y retrouver entre les enquêtes mettant en avant les succès du numérique pour apprendre et celles montrant des échecs flagrants [1]. Comment expliquer cette disparité d’avis des scientifiques sur le numérique en éducation ? Le défaut serait-il plutôt du côté de l’analyse scientifique (protocoles inadaptés par exemple) ou de la proposition pédagogique analysée ? En effet, si cette dernière n’est pas compatible avec une « amplification » par la technologie, son observation ne permettra pas d’en tirer des conclusions signifiantes. Nous proposons d’imager cela en utilisant une métaphore technologique, celle d’un amplificateur audio (voir schéma).
Apport du numérique :
Cette métaphore technologique, érigée en modèle d’intégration du numérique en éducation, nous permettra de conceptualiser le succès ou l’échec d’un dispositif pédagogique incluant le numérique, en fonction de la proposition pédagogique.
En première partiede l’atelier, nous détaillerons ce modèle d’intégration via les 9 critères d’amplifications possibles et au regard croisé des enseignants, apprenants et de l’institution. Nous fournirons un tableau des 9 critères pour modéliser le succès de l’intégration du numérique en éducation. Au-delà d’autres modèles comme TPACK ou SAMR moins précis, ce modèle permettra à l’enseignant innovant, de comprendre les différentes dimensions intervenant dans la conception d’un dispositif pédagogique amplifié par le numérique, et dejustifier son innovation pédagogique pour la faire porter par l’institution. Grace à ce modèle, les représentations autour numériqueéducatif vont s’affiner, autant pour l’enseignant que pour son entourage institutionnel. L’innovation techno-pédagogique pourra ainsi être rendue « indiscutable » dans son potentiel amplificateur des apprentissages, pour être intégrée et soutenue (ou non si l’intégration est inefficace).
En deuxième partie, nous appliquerons ce modèle sur des interactions numériques les plus caractéristiques des dispositifs pédagogiques innovants actuels (co-création de documents numériques de type texte, carte mentale, tableau blanc, mur d’images, chaîne de capsules vidéos, questionnement collaboratif, partage de documents via un réseau wifi de poche et portail de cours personnel). Chacune de ces interactions numériques sera ainsi pratiquée et analysée au prisme du modèle de l’amplificateur pédagogique et ses 9 critères, pour en comprendre la pertinence et l’amplification. Les critères amplifiés par le numérique du scénario pédagogique, seront débattus en groupe.
Relation avec le thème de l’édition :
Nous adopterons donc une approche analytique et raisonnée du numérique en éducation, induisant une mise en perspective scientifique et une représentation plus fine de l’efficacité d’intégration du numérique. La conclusion sera que « si l’on peut faire mieux sans le numérique, à quoi bon en mettre ? » mais aussi qu’ « on peut faire tellement mieux avec, quand on a compris comment ! ». Cette maturité (ou évolution des représentations) vis-à-vis du numérique éducatif, permettra de mieux négocier une approche bottom-up de diffusion/acceptation de l’innovationau sein de son institution scolaire [2].
Public visé et matériel :
Cet atelier vise les enseignants et formateurs de tous niveaux, souhaitant amplifier leur pédagogie avec le numérique. Pour la partie pratique, Il est proposé aux participants de venir avec une tablette, un ordinateur portable ou un smartphone. Une connexion Internet 4G est conseillée (hors connexion wifi disponible pour le groupe).
Synthèse et apport du retour d’usage en classe :
Cet atelier est issu d’un cours intitulé « enseigner à l’ère du numérique », dispensé au sein d’une L3 orientée « sciences de l’éducation ». Ces futurs enseignants doivent faire preuve d’adaptation à tout environnement scolaire, avec ou sans numérique. Ce cours développe donc une approche amplificatrice du numérique éducatif, avec des solutions de secours en cas de panne ou d’indisponibilité. Tout usage du numérique doit être justifié et le gain attendu explicité. La métaphore de l’amplificateur pédagogique et son modèle d’intégration ont été créé dans ce but.
La démarche analytique des dispositifs pédagogiques étudiés durant ce cours, est ici transposée dans cet atelier, autour des principales interactions numériques constatées au sein de notre institution scolaire. Cela permettra aux enseignants innovants,d’être plus critique et efficace pour l’intégration du numérique en éducation,grâce à une représentation plus fine des critères impactés par cette intégrationet aussi d’imaginer comment faire sans le numérique, quand celui-ci n’est pas nécessaire, peu adapté ou indisponible.
L’approche outils de cet atelier, provient de cas concrets de dispositifs pédagogiques avec appui numérique, éprouvés avec les L3. Les connaissances et habiletés développées sont très rapidement réutilisables. Chaque année, nous voyons des étudiants réfractaires au numérique, collaborer et mettre en place des stratégies numériques cohérentes (pas de numérique juste pour mettre du numérique), au sein des cours qu’ils conçoivent.
Le témoignage de nombreux anciens étudiants va en ce sens, ils parlent de l’atteinte d’une « maturité » dans l’usage du numérique éducatif s’attendant, à la base, à vivre un cours évangélisant les technologies éducatives :
« Nous ne cherchons pas à mettre du numérique à tout prix, mais à en mettre quand le gain est indiscutable par tout un chacun ; et ça c’est bien ! »
Cet atelier est aussi réalisé régulièrement pour former des enseignants en poste, à intégrer judicieusement le numérique dans leurs dispositifs pédagogiques, grâce à l’analyse réflexive permise par ce modèle d’intégration à 9 critères.
Enfin, bien au-delà de l’usage formel en classe, la plupart des outils abordés durant cet atelier sont utilisables dans le cadre d‘un usage personnel, étoffant la culture et les habiletés numériques de l’usager. Le choix des outils découle d’ailleurs de ce concept, car nous sommes persuadés qu’il doit y avoir une continuité d’usages du numérique entre l’informel et le formel, entre le personnel et le scolaire, pour que le numérique éducatif soit efficace. Ainsi l’innovation pédagogique à destination de l’institution est aussi une innovation sociale et personnelle, dont l’enseignant profite dans ses usages quotidiens.
Notes :
[1] A titre d’exemple, nous citerons l’enquête PROFETIC 2014 du MEN, avec moins de 49% d’enseignants du second degré convaincus des bénéfices du numérique éducatif, ou encore l’enquête de l’OCDE 2015 « Connectés pour apprendre » et à l’opposé du techno-scepticisme les travaux récents de Thierry Karsenti montrant que les technologies ont un réel impact sur l’apprentissage, la motivation, encore faut-il développer l’art d’enseigner avec les technologies : http://www.cforp.ca/educo/les-technologies-ont-elles-un-reel-impact-sur-la-reussite-scolaire/#_ftn7
[2] L’institution n’est pas en reste puisque cette évolution de mentalité autour des pédagogies actives à l’ère du numérique, doit aussi venir d’en haut, être « top-down » et appuyer la vision « bottom-up » des enseignants et parents. Philippe Dumas décrit cette complémentarité ainsi : « …l’innovation imposée ou décrétée par le haut – top-down – ne peut produire les résultats escomptés. Un professeur suréquipé par les soins de l’administration se trouve dans la position d’un chef d’orchestre sans partition…En prenant en compte l’intentionnalité des acteurs, les profs en l’occurrence, le projet engageant représente un changement par le bas – bottom up –… » (Dumas, 2010 : 13).
Plus d’infos sur : Jean-François Céci
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