Quittons la salle de classe que nous avons tous connue, qui nous vient tous en tête, avec des élèves alignés en train d’apprendre tous la même chose en même temps, de la même manière.
Cette salle de classe pour laquelle nous avons la même photo, siècle après siècle, pour laquelle en colorisant les anciennes, on retrouve les nouvelles. Cette salle de classe que l’on retrouve même dans l’école d’Harry Potter alors que pourtant on peut y voler sur des balais, tellement elle est ancrée dans nos esprits. Cette école dénoncée déjà dans We don’t need no education par les Pink Floyd.
On notera tout de même la non présence de tables dans l’académie « Jedi ». Chacun ses références.
En termes de références musicales nous partirons donc plutôt sur le message de « On écrit sur les murs ».
L’heure commence, les élèves entrent en classe et prennent possession de l’espace. Réellement.
Ici pas de bureau professeur, les élèves se l’approprient comme un des leurs, c’est un des leurs, pas de tableau vers lequel diriger son regard puisqu’il y en a un pour chaque groupe. La salle de classe n’a plus un seul endroit vers lequel regarder.
L’enseignant est au milieu de ses élèves, dans l’échange. L’enseignant n’est plus le seul maître du savoir, chacun l’a à portée de main sur son smartphone et l’enseignant a aujourd’hui pour rôle de lui apprendre à gérer ce flux d’informations. C’est donc naturellement qu’il change lui aussi de place et de rôle, passe dans les groupes, corrige directement sur les tableaux de chacun ; joue son nouveau rôle d’accompagnateur.
Dans notre classe mutuelle, chaque groupe travaille en mettant en commun les compétences de chacun et à tous ils sont plus forts. Ils peuvent chacun contribuer au travail global en y apportant ce qu’ils savent faire, leur force et ils prennent confiance.
Chacun profite des compétences des autres sans rougir des siennes. A sa manière à lui, texte, schéma, tableau.
Cette manière de travailler existait déjà au 19e siècle mais a été abandonnée pour des raisons non pédagogiques… Victor Hugo lui-même la défendait.
« Répondez, mes amis : il doit vous être doux,
D’avoir pour seuls mentors des enfants comme vous ;
Leur âge, leur humeur, leurs plaisirs sont les vôtres ;
Et ces vainqueurs d’un jour, demain vaincus par d’autres,
Sont, tour à tour parés de modestes rubans,
Vos égaux dans vos jeux, vos maîtres sur les bancs.
Muets, les yeux fixés sur vos heureux émules,
Vous n’êtes point distraits par la peur des férules ;
Jamais un fouet vengeur, effrayant vos esprits,
Ne vous fait oublier ce qu’ils vous ont appris ;
J’écoute mal un sot qui veut que je le craigne,
Et je sais beaucoup mieux ce qu’un ami m’enseigne ».
Victor Hugo
Premières publications
1819-1820
Discours sur les avantages de l’enseignement mutuel
C’est bien beau mais concrètement, comment cela se passe ?
Mes élèves entrent donc en classe. Pour bien dépolariser la salle de classe je les ai placés en groupe de quatre, deux à deux face à face. Fini le « ce serait bien si tu regardais le tableau enfin« … Chaque groupe de quatre a, à son niveau, son tableau. Dans l’idéal, chaque élève a sa couleur de feutre pour marquer sa participation.
Selon ce que je veux faire,
– je place les élèves aléatoirement mais à ma convenance si je veux que chacun effectue le même travail, pour que même s’ils ne sont pas copains au sens où ils l’entendent, ils apprennent à travailler ensemble,
– je les laisse choisir leurs groupes et leur atelier de travail si je veux qu’ils arrivent à cerner eux-mêmes leur niveau et leurs difficultés
– je les place par type d’intelligence quand je veux qu’ils retravaillent leur cours et alors selon le groupe je leur demande une chanson, des énigmes…
Ils ont pris l’habitude, ils distribuent les marqueurs, ils s’approprient l’espace autour du tableau, ils peuvent bouger et pour certains c’est vraiment ce qui change tout ! Ils savent où est la petite réserve de brosses pour nettoyer. Ils ont pris d’eux-mêmes en peu de séances l’habitude de recopier leur tableau sur leur cahier quand il est plein pour l’effacer et recommencer.
Pour moi enseignante, ces tableaux constituent un support et un outil supplémentaire formidable. Par rapport au cahier je vois et de loin ce qu’ils font, ce qu’ils écrivent, leurs réussites, leurs erreurs, je peux réagir beaucoup plus vite et beaucoup mieux. Je peux même corriger leur orthographe…
Je connais mieux et plus vite les élèves, leurs prénoms, j’échange plus avec eux.
Je les vois plus investis.
Je me sens enfin dans le rôle de l’enseignante que je me sens devoir être avec la génération actuelle d’élèves, qui commente, qui a besoin de bouger, qui a besoin d’apprendre à gérer tout ce flux d’information.
Je me sens en phase avec l’équité entre tous puisque je demande à chacun d’apporter sa propre pierre à l’édifice, son propre coup de crayon au tableau.
Je suis heureuse de le laisser s’exprimer, bouger, se déplacer et à ma grande surprise ils n’abusent pas de ce droit, ils hésitent presque plus que quand c’est interdit.
Mon fils de quatre ans l’autre jour a pris une feuille, l’a accroché au mur et a dit qu’il allait jouer à l’école. Continue mon fils à réinventer naturellement l’école.
Pour plus d’informations, pour participer à notre groupe de travail bien entendu mutuel Slack et pour contacter notre équipe, un seul lien classemutuelle.fr
En effet le concept s’étend de plus en plus, des classes mutuelles ouvrent un peu partout, alors vous aussi à vos tableaux !
Auteur : Hélène Marcelli
Hmarcelli.prof@gmail.com
Twitter ln_marcelli