Des ressources numériques pour l’École : quelles innovations pour quels retours et quels usages des enseignants et de leurs élèves ?
Souvent accusé de « top-down » ou de lenteur pour faciliter la mise à disposition et l’usage de ressources numériques pour enseigner et pour apprendre, le ministère de l’éducation nationale tente pourtant de relever les défis que le numérique impose à la conception de ressources éducatives. Les participants à cette table-ronde témoignent d’un mode de production de ressources renouvelé.
Pour cette table-ronde, des intervenants variés : Mélanie Bachimont, présidente de l’association EMC Partageons, Olivia Lemarchand, directrice générale adjointe de Canopé, Axel Jean, chef de projet BRNE (Banque de Ressources Numériques éducatives) et Catherine Dang, directrice du numérique éducatif chez Belin ; table ronde animée par Xavier Levoin .
Ces participants avaient cependant un point commun : celui d’avoir participé aux banques de ressources numériques et notamment à la digithèque de Belin, dont il a été question durant toute la discussion.
Trois modes de conception de ressources
La création de ressources est représentée dans cette table-ronde sous trois formes. Celle du collectif d’enseignants qu’est EMC Partageons, celle d’un éditeur public, Canopé et celle d’un éditeur privé, Belin, répondant ici à un appel d’offres du ministère de l’éducation nationale.
Canopé d’abord est un éditeur de ressources pour les enseignants et les élèves avec un réseau décliné sur le territoire. Il produit des ressources papier et de plus en plus numériques. Il produit par exemple des films d’animation autour des apprentissages fondamentaux du primaire, destinés aux élèves du premier degré. Ces films ont été conçus pour un usage en dehors de l’école, avec les parents, les animateurs de l’aide aux devoirs etc, https://www.reseau-canope.fr/notice/les-fondamentaux.html,même s’ils sont finalement aussi utilisés par les enseignants.
Belin est un éditeur dont l’histoire remonte au XVIIIème siècle, qui fait maintenant partie du groupe Humensis depuis son « mariage » avec les Presses Universitaires de France. Pour sa représentante Catherine Dang, l’édition éducative n’a pas encore été bouleversée par le numérique mais elle s’y attend. Catherine Dang parle à ce propos d' »adaptation des contenus » et note surtout que les temps de production ont augmenté.
En ce qui concerne la Digithèque, qui répond à l’appel d’offre du BRNE, elle a nécessité aussi une indexation très fine et très chronophage. Axel Jean insiste sur l’impossible comparaison entre les ressources produites dans le cadre des BRNE, qui sont dans un cadre de confiance juridique, qui sont indexées, validées etc… et des ressources extérieures plus disruptives sur le plan numérique.
Le BRNE impose de nombreuses contraintes : Conditions générales d’utilisation, sécurisation des données, accessibilité, respect de la RGPD, qualité etc… Ces précisions d’Axel Jean montrent à quel point les ressources produites par la BRNE souffrent de la concurrence (déloyale ?) avec les ressources qui foisonnent sur le web…
L’association EMC Partageons prépare, quant à elle, des ressources pour les enseignants par les enseignants. Depuis 4 ans, les enseignants du réseau préparent des séquences d’EMC pour tous les niveaux de l’école et pour tous les élèves.
La méthode est collaborative, mobilisant l’intelligence collective pour créer des ressources accessibles et adaptables, en partant de l’élève. Cela permet de sensibiliser les élèves et les enseignants aux situations de handicap. La démarche de production est structurée en trois étapes :
- Une phase préparatoire de remue-méninge sur Twitter, comprenant une recherche de ressources y compris dans les banques de ressources
- Une phase de création de la séquence pédagogique.
- Une phase de partage sur le site d’EMC partageons et sur les réseaux sociaux.
Les séquences produites suivent un canevas spécifique, qui permettent une réutilisation dans différents contextes et place l’élève en position d’agir pour comprendre. Ces séquences utilisent les ressources de plusieurs manières : sur papier, projetées à l’écran pour toute la classe ou insérées dans un parcours.
Les ressources peuvent aussi être augmentées par d’autres informations ou par des aides pour compenser d’éventuelles difficultés. Toutes sortes de ressources numériques ou non peuvent être utilisées mais la Digithèque Belin propose des fonctionnalités d’adaptation au handicap déjà toutes prêtes : les polices de caractères peuvent être adaptées aux élèves dys, contrastées ou grossies, les textes sont dotés d’une lecture audio au survol etc…. Il est également possible d’ajouter ses propres sons pour donner des consignes, lire avec le ton etc, et d’ajouter des commentaires.
Ces trois présentations montrent à quel point la production de ressources est un domaine multiforme : quels types de ressources, pour quels destinataires ? Dans quel cadre juridique ? Cette production peut être très institutionnalisée et encadrée par le ministère, mais un mode de production moins institutionnel ne s’affranchit pas de cadres : cadre du mode de production, du cahier des charges que s’impose l’association EMC Partageons par exemple, et qui sont un gage de qualité.
Des ressources encore sous-utilisées
L’utilisation de ces ressources pose question : les BRNE n’ont atteint pour le moment que 170 000 enseignants sur les 245 000 visés. Des lieux de médiation et d’appropriation sont nécessaires.
Les ateliers Canopé sont considérés comme des tiers lieux, avec des espaces accueillants, du matériel et des personnels accompagnant les enseignants dans l’appropriation des ressources. Ces ateliers servent aussi de retours d’expérience pour faire remonter les usages, les critiques, faire évoluer la production de ressources et alimenter les laboratoires de recherche.
Le manque de visibilité des ressources des BRNE est souligné par une intervention dans la salle. Comment rendre visibles ces ressources qui sont gratuites, validées, intéressantes, dont la question des droits est réglée ?
La salle pose également la question du modèle économique de la Digithèque Belin : bien sûr les éditions Belin ont reçu un financement pour les produire mais ensuite ? Un contrat de 3 ans lie Belin au ministère, qui est en cours de prolongement pour 2 ans. Mais surtout, Catherine Dang explique que Belin a appris en quelques sorte un nouveau métier, une nouvelle compétence dans le fait de mener, avec d’autres partenaires, des projets de productions de ressources numériques.
Les partenaires par ailleurs, que ce soient les start-up ou les associations, ont également bénéficié de cet appel d’air. En tous les cas, tous s’accordent pour dire que ce marché des BRNE a abouti à de jolis résultats, ce qui n’avait pas toujours été le cas des appels d’offre de R&D (recherche et développement) qui avaient été lancés les années précédentes.
Synthèse réalisée par Caroline Jouneau-Sion.
Revoir l’intégralité de la table ronde c’est ici :