A l’occasion de l’université d’été de Ludovia, 15ème édition, de nombreux enseignants et autres membres de la communauté éducative vont venir présenter leur expérience avec le numérique sur le thème de l’année, « Innovations & Institutions autour du numériques éducatif ». Ludomag se propose de vous donner un avant-goût de ces ateliers jusqu’au début de l’évènement, lundi 20 août.
Christophe Gilger « Maths en-vie, ou comment ancrer les mathématiques et la résolution de problème au réel » sur la session III
Problématique pédagogique :
L’enquête TIMMS 2016 et la dernière enquête PISA pointent le manque d’ancrage au réel de l’enseignement des mathématiques, tant dans l’observation du monde réel que dans les situations proposées, notamment en résolution de problèmes.
Dans l’expérience menée à l’IREM de Grenoble, au problème suivant : « Sur un bateau, il y a 26 moutons et 10 chèvres. Quel est l’âge du capitaine ? » sur 97 élèves, 76 ont donné une réponse en utilisant les nombres figurant dans l’énoncé : 26 ans ou 10 ans !
Nous avons tous vécu ce type d’expérience déconcertante qui nous questionne : mais comment les élèves peuvent-ils arriver à de tels résultats ?
Les nouveaux programmes en maternelle mettent l’accent sur l’importance d’ancrer les apprentissages dans le vécu des élèves parce que justement, le sens est construit par l’expérience. Le domaine des grandeurs et mesures illustrent bien l’importance d’avoir vécu les situations concrètes avant d’utiliser les unités consensuelles puis de les intégrer à des situations abstraites de calcul dans les problèmes.
Comment donner du sens à des calculs sur des distances sans se représenter ce qu’est une longueur, un centimètre, un mètre ? Comment calculer le temps nécessaire pour se rendre d’un lieu à un autre si on n’a jamais éprouvé la différence entre une seconde et une heure ?
L’accès au sens passe donc par le vécu d’abord, puis une représentation de la situation (dessin, schéma, scénario…) pour aller vers une abstraction complète. L’importance de la langue dans les énoncés de problème est également à souligner et à enseigner. Le langage courant, le langage scolaire et le langage mathématique peuvent constituer des obstacles à l’accès au sens pour les élèves.
Tous ces constats font que certains élèves que nous présentons comme très pertinents et ayant des capacités certaines en logique et en mathématiques, peuvent, lors de situations réelles, sembler perdre ces compétences lors du passage à une situation problème scolaire présentée sous forme d’un énoncé écrit.
Apport du numérique :
Toutes les activités proposées dans M@ths en-vie tournent autour de photos numériques prises dans l’environnement quotidien des élèves. Un simple appareil photo dans la classe peut permettre de se lancer dans les différentes activités.
En exerçant les élèves à repérer des situations réelles pouvant faire l’objet d’un investissement mathématique, ils se créent un répertoire de représentations qu’ils pourront ensuite mobiliser dans d’autres situations similaires.
À travers les photographies réalisées par les élèves et utilisées dans le cadre de ce dispositif :
– les élèves construisent l’intérêt d’apprendre les mathématiques parce que cette discipline s’inscrit dans leur réalité de tous les jours ;
– les élèves mettent du sens derrière chaque donnée et mettent alors en œuvre des procédures de résolution cohérentes ;
– les élèves construisent des ordres de grandeurs et exercent un regard critique sur les solutions de leurs problèmes.
L’utilisation de la photo permet alors de construire ce temps intermédiaire entre une situation vécue, réelle et une abstraction complète.
Les classes qui ont pu s’engager dans M@ths en-vie ont toutes mis en œuvre de nombreux autres outils numériques qui ont trouvé naturellement leur place et leur pertinence dans le dispositif :
– usages du vidéoprojecteur pour travailler collectivement sur les photos ;
– usages du tableau interactif pour manipuler et annoter les photos ;
– usages d’outils collaboratifs tel Padlet pour construire des énoncés de problèmes à partir de photos prises par les élèves ou pour se constituer des banques de photos et d’énoncés : voir ici ;
– usages de réseaux sociaux pour participer à des projets collaboratifs entre classes: voir ici ;
– usages de tablettes numériques pour travailler instantanément sur les photos prises par les élèves et pour réaliser des sorties mathématiques : voir ici ;
– usages d’un site internet d’école pour publier ses problèmes et les mettre à disposition d’autres élèves (notamment dans le cadre de la liaison CM2/6°) : voir ici.
Relation avec le thème de l’édition :
M@ths en-vie est un projet innovant porté par la circonscription de St Gervais/Pays du Mont-Blanc et initié par Carole Cortay, conseillère pédagogique et Christophe Gilger, ERUN (Enseignant Référent pour les Usages du Numérique).
Il vise à améliorer les compétences des élèves en mathématiques et notamment en résolution de problèmes en prenant appui sur des photos numériques. De nombreux autres outils sont mobilisés par les classes, à savoir des outils collaboratif ou des outils pour partager et communiquer ses productions afin de les mutualiser ou les soumettre à d’autres classes.
Le projet a été diffusé au travers de plusieurs animations pédagogiques et lors de salons autour du numérique éducatif organisés par la DSDEN de la Haute-Savoie ou CANOPE 74.
Une mallette du formateur a été partagée avec près de 280 formateurs qui ont pu ou vont relayer le dispositif dans leur circonscription ou leur département.
M@ths en-vie bénéficie de très nombreux relais institutionnels (Primabord, circonscriptions, Eduscol, DANE, CARDIE…) recensés ici.
Synthèse et apport du retour d’usage en classe :
Le dispositif M@ths en-vie a pu être proposé à plusieurs centaines d’enseignants lors d’animations pédagogiques. Nous avons suivi certains enseignants dans leur classe qui se sont appropriés, chacun à sa manière, le dispositif.
Voici les constats réalisés en tant que formateurs :
– Le dispositif est plébiscité par les enseignants lors des animations pédagogiques et massivement mis en œuvre dans les classes.
– Chaque enseignant s’approprie le projet de façon très différente, dans le ou les domaines mathématiques qu’il souhaite. Les activités s’insèrent naturellement dans les progressions et programmations établies.
– Les activités sont facilement appropriables et ne modifient pas l’organisation pédagogique de la classe, même si elle permet d’induire des modalités d’organisation différentes : par exemple, nous avons constaté que dans toutes les classes des travaux de groupe avaient été mis en œuvre.
– Les activités de M@ths en-vie favorisent les activités de recherche, le travail de groupe et la collaboration entre élèves.
Et en tant qu’enseignant :
– Constat d’un très fort engagement des élèves dans les activités, notamment pour des élèves qui ne rentraient jamais dans les taches de résolution de problèmes.
– Meilleure réussite des élèves en difficulté lors des temps de résolution de problèmes.
– Les photos favorisent la compréhension des situations et la réalisation de schéma aidant à la résolution.
– Les différentes données utilisées dans leur contexte permettent aux élèves de construire des répertoires de grandeurs.
– Les activités permettent de travailler parallèlement la maîtrise de la langue écrite car de nombreuses situations de production peuvent être mises en œuvre : rédaction de consignes, d’énoncés, de phrases pour expliciter les données, d’histoires mathématiques… Les compétences orales sont également mise en jeu de par le travail sur le vocabulaire mathématique, la verbalisation des situations, la justification des procédures…
– Les élèves ne sont plus « exécutants » mais producteurs : prises de photos et production d’énoncés notamment.
Résultat d’une expérimentation menée auprès de 179 élèves de CP, CE1 et CE2 (CE1 dans leur grande majorité).
Plus d’infos sur : Christophe Gilger
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