A l’occasion de l’université d’été de Ludovia, 15ème édition, de nombreux enseignants et autres membres de la communauté éducative vont venir présenter leur expérience avec le numérique sur le thème de l’année, « Innovations & Institutions autour du numériques éducatif ». Ludomag se propose de vous donner un avant-goût de ces ateliers jusqu’au début de l’évènement, lundi 20 août.
Romain Bourdel-Chapuzot présentera « TICE et tablettes dans des plans de travail interdisciplinaires au collège » sur la session III « renouvellement des pratiques & numérique ».
Problématique pédagogique :
Enseigner la physique-chimie dans un établissement dont le public est assez hétérogène, peut parfois se révéler être délicat de gérer cette hétérogénéité, on peut en effet avoir l’impression d’aider les élèves en difficulté alors que les élèves plus performants peuvent s’ennuyer, ou à l’inverse, passer du temps avec les élèves performants au détriment de ceux qui sont en difficulté.
La solution que nous avons mise en place avec une collègue de SVT est de travailler sur des plans de travail communs (de quatre à cinq semaines chacun). Ainsi, nos élèves ont un cahier de sciences qui est commun aux deux disciplines. Lors des dédoublements nous travaillons avec la classe entière… mais à deux enseignants dans la salle.
Par ailleurs, cette organisation en plans de travail et par groupes (de 3 ou 4) a plusieurs objectifs :
– Favoriser l’autonomie des élèves puisqu’ils choisissent eux-mêmes le cheminement des activités ;
– Favoriser les interactions entre les élèves, que ce soit au sein du groupe mais aussi au sein de la classe avec la mise en place de tutorats ponctuels sur des activités Ceci permet à ceux qui auraient fini plus rapidement de consolider les acquis et permet à ceux qui ont des difficultés de bénéficier d’une aide différente de celle de l’enseignant ;
– Permettre à l’enseignant de pouvoir suivre de plus près les élèves en étant en permanence au sein de la classe.
Mais cette organisation nécessite du temps en classe, c’est pourquoi l’écriture du cours est externalisée, les élèves écrivant cette trace écrite en dehors de la classe (CDI, permanence, maison). Cette externalisation permet aux élèves de s’approprier le cours en le présentant de la manière qu’ils le souhaitent, libérant ainsi la créativité artistique de beaucoup d’entre eux. Ce cours peut être accompagné du visionnage d’une ou de plusieurs vidéos, la pratique des élèves allant de plus en plus vers un visionnage pendant les séances puisque deux niveaux sont équipés en tablettes dans le cadre du PNN (Plan Numérique National).
La créativité des élèves va aussi ressortir lors des tâches finales des plans de travail puisque les connaissances et compétences mises en jeu lors des séances précédentes vont être remobilisées sur une activité plus ludique : fabrication de maquettes, création d’affiche, quizz de classe, jeu de l’oie…
Un autre volet important de ce projet est l’évaluation puisqu’elle se veut positive et nous souhaitons que l’erreur soit source d’apprentissage et non une sanction. L’accent a donc été mis sur l’évaluation formative via un suivi individuel et par groupes des activités, des quizz de remédiation et des évaluations blanches corrigées mais non-notées (qui permettent de mieux préparer l’évaluation sommative).
Apport du numérique :
Le numérique a une place importante dans ce projet sur deux axes principaux : le travail des enseignants entre eux et le travail des élèves. Au niveau du travail des enseignants, la préparation de ce projet, qui se déroule sur l’année avec des thèmes et des supports communs, a nécessité l’utilisation d’outils collaboratifs. Ainsi, la suite Google drive a été utilisée afin de pouvoir préparer les progressions, les thèmes des plans de travail ainsi que les contenus de manière à pouvoir travailler en direct en distanciel. Le stockage des fichiers a aussi permis de voir comment il était possible d’articuler les activités entre elles.
Cette suite est aussi utilisée pour le suivi du travail des élèves, que ce soit de manière individuelle (investissement, cours écrit ou non, évaluation blanche faite ou non, évaluation par compétence avec traduction en note) ou au niveau du groupe (suivi des activités traitées et possibilité ou non de faire du tutorat).
La mise à disposition des ressources a aussi été un questionnement important puisqu’il fallait qu’elle réponde à deux contraintes :
– Centraliser tous les types de ressources afin d’éviter leur éparpillement, ce qui perdrait les élèves ;
– Proposer un mode collaboratif afin que nous puissions, chacun de notre côté, alimenter ces ressources sans que l’un ou l’autre soit obligé de tout faire.
Nous avons donc utilisé le logiciel Genially qui permet de centraliser et d’intégrer les différents types de ressources que nous mettons à disposition (vidéo sur YouTube, trace écrite sur Prezi notamment) tout en proposant un mode collaboratif où les deux enseignants peuvent agir sur le même document.
Exemple de mises à disposition des ressources : https://view.genial.ly/59f2e9e84fb71a0bfca26d66/4eme-pdt3-spcsvt
Le numérique est aussi présent dans la partie « évaluation » puisque les quizz formatifs utilisent l’application Plickers. Celle-ci permet un feed-back immédiat pour les élèves mais aussi pour l’enseignant (en effet on peut voir si une notion est bien comprise par les élèves ou non). Elle permet également de procéder à de la remédiation par groupes grâce aux réponses enregistrées. Elle est pour le moment préférée à d’autres solutions (comme Socrative par exemple) car elle ne nécessite pas un appareil par élève.
Toujours au niveau de l’évaluation formative, les ressources de la BRNE (Banque de Ressources Numérique pour l’École) sont utilisées (Maskott) grâce aux modules « S’entraîner » qui permettent aux élèves de faire un bilan qui est corrigé en direct. Enfin, le numérique est utilisé par moi-même au niveau de la création des capsules de physique-chimie puisque je les réalise.
Chaîne YouTube : https://www.youtube.com/channel/UC68IvJaDHQWwNRiczJB6sMg
Relation avec le thème de l’édition :
Le projet que nous menons semble en relation avec le thème de cette année puisqu’il englobe finalement les deux termes « innovations » et « institution ».
En ce qui concerne l’innovation, même s’il est difficile d’annoncer que notre démarche est nouvelle, un travail sur des plans de travail communs en SVT et physique-chimie tout au long de l’année sur deux niveaux et avec de la co-animation n’est pas très répandu. Il s’accompagne en plus d’une inversion de la classe avec externalisation de la trace écrite, tout ceci étant rendu possible, ou plus facile, par l’apport du numérique. Ce projet a d’ailleurs été sélectionné au forum des enseignants innovants en février 2018 et a reçu le prix du jury sur l’autonomie.
Pour l’institution, nous bénéficions de l’apport des tablettes dont les élèves sont dotés grâce à l’effort conjoint de l’État et du conseil départemental des Bouches du Rhône dans le cadre du plan numérique national. Nous utilisons aussi les BRNE (Banques de Ressources Numériques pour l’École) qui sont mises à disposition suite à des accords entre le Ministère et des éditeurs.
Enfin, nous sommes en lien avec l’institution (DANE, CARDIE, CD13) dans le cadre d’un projet de rénovation des salles (création de salles de sciences modulables offrant plusieurs espaces de travail) en lien avec l’évolution de nos pratiques.
Synthèse et apport du retour d’usage en classe :
Un tel projet a nécessité de nombreuses heures de travail, de concertation et de réflexion. Aussi, il nous a fallu prendre du temps en début d’année pour expliquer aux élèves ce que nous leur proposions, ce que nous attendions d’eux et ce qu’ils pouvaient faire dans ce nouveau mode de fonctionnement. Un travail important sur l’information aux parents a été fait, notamment lors des réunions parents-professeurs de début d’année.
Les outils mis en place dans le suivi ont aussi évolué au cours des mois afin d’être plus cohérents avec nos pratiques et avec l’évolution de notre posture. Même s’il est difficile de quantifier l’apport de ce projet, il ressort quand même, après deux trimestres (même si je pratiquais déjà une classe inversée l’an dernier) plusieurs axes forts.
Le premier concerne l’autonomie des élèves : même si plusieurs élèves ont encore du mal à se mettre au travail rapidement, pour la grande majorité d’entre eux, le début de séance a changé. Ils s’installent et commencent à travailler sur l’activité de leur choix, certains jouant le rôle de motivateur afin que tout le groupe suive.
Le deuxième point concerne justement la motivation grâce au travail mené sur l’évaluation. Ils savent qu’ils sont valorisés dès lors qu’ils fournissent des efforts (note d’investissement, écriture du cours, réalisation de l’évaluation blanche…). Ainsi, des élèves en difficulté sont maintenant plus acteurs en classe par rapport à avant, ceci étant accentué par le tutorat.
Le troisième point concerne la relation que l’on construit, en tant qu’enseignant, avec les élèves. En passant véritablement à du « côte à côte », les élèves nous perçoivent comme des personnes présentes pour les aider, les guider, leur expliquer et pas seulement comme des personnes leur transmettant (de manière plus ou moins efficace) un savoir. Nous avons le sentiment de mieux connaître nos élèves, nous avons la possibilité de découvrir des parties de leur personnalité que l’on ne connaissait pas (volonté d’aider les autres, leadership, créativité…).
Enfin, un apport est la relation avec les parents. Cela a commencé avec les parents d’enfants « dys » puisqu’ils bénéficient du temps qu’ils souhaitent pour écrire le cours (ils peuvent aussi utiliser un ordinateur) et sont donc moins en souffrance en classe. Tous les parents peuvent suivre ce qui se passe dans nos plans de travail (à l’aide des capsules de cours et du cours en ligne). Enfin, il arrive fréquemment que des parents nous remercient pour ce projet.
Le dernier point positif concerne les enseignants qui prennent un grand plaisir, que ce soit dans le travail de préparation mais aussi dans les séances avec les élèves, notamment lors des heures de co-animation.
Plus d’infos sur : Romain Bourdel-Chapuzot
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