Nous avons tous été confrontés à la tâche fastidieuse d’examiner les conditions générales d’utilisation (CGU) des différents services et applications que nous utilisons.
On peut voir en cela une « fabrique du consentement » (pour reprendre le titre Noalm Chomsky et Edward S. Herman : Manufacturing Consent). Bien loin d’une promotion d’un consentement libre et éclairé (comme y engage le RGPD), on peut voir ici la promotion d’un « consentement assisté » (voir à ce sujet les analyses de Lionel Maurel).
Comment mieux comprendre et prendre la mesure d’une telle dissymétrie entre les individus (usagers) et les entreprises aux dimensions colossales ? Les experts en visualisation de données et en design d’information peuvent nous y aider, souvent avec talent. La visualisation de données permet en effet de frapper les esprits et de rendre sensibles des contenus complexes et abstraits (comme l’explique cet article de Thot Cursus).
C’est ce que propose Dima Yarovinsky, dans le cadre d’un projet d’étudiant, initialement réalisé dans le cours d’infographie de la Bezalel Academy of Arts and Design (Israël), puis présenté à la conférence Visualizing Knowledge de l’université AALTO (Finlande). Cette installation a été notamment rapportée par designboom.com.
Le travail de Dima Yarovinsky
Dima Yarovinsky a d’abord collecté les conditions d’utilisation des principaux réseaux sociaux que nous utilisons quotidiennement (Facebook, Snapchat, Instagram, Tinder, etc.). Il les a ensuite imprimés sur un rouleau A4 standard, avec une taille de police et une police de caractères standards. Il a finalement accroché les rouleaux les uns à côté des autres dans un espace d’exposition, en ajoutant le nombre de mots et le temps nécessaire pour lire chaque rouleau.
En effet, une personne lit à un rythme moyen de 200 mots par minute, alors qu’un ensemble standard de conditions d’utilisation contient en moyenne 12 000 mots. Il faudrait faudrait donc environ 60 minutes pour lire les conditions d’utilisation ! Une étude américaine de 2012 estimait qu’il faudrait à chacun d’entre nous 76 jours de travail pour lire l’intégralité des conditions générales d’utilisation rencontrées en une année.
Dima Yarovinsky a le talent de rendre visible le caractère écrasant des termes légaux, même si la longueur des textes varie fortement entre les services (Instagram impose iciç les plus longues CGU, suivi par Snapchat, Facebook et Twitter ; Whatsapp est le plus court).
D’autres prennent en charge la tâche de les expliciter. C’est notamment ce qu’avait proposé Jenny Afia en 2017, une juriste ayant réécrit la politique de protection de la vie privée d’Instagram afin que les enfants et les parents puissent en discuter en connaissance de cause (« A lawyer rewrote Instagram’s privacy policy so kids and parents can have a meaningful talk about privacy« ).
Des initiatives pour éduquer et donner du pouvoir aux personnes
Des organisations proposent aussi des guides permettant de clarifier les conditions d’utilisation, telles que net-aware.org.uk.
On peut aussi imaginer et promouvoir un système de labels permettant d’identifier rapidement le degré de protection des données personnelles garantit par chaque grand service. C’est ce qu’entreprend notamment tosdr.org, avec une échelle allant de très bon (Classe A) à très mauvais (Classe E). Leur slogan :
“I have read and agree to the Terms” is the biggest lie on the web. We aim to fix that »
Ces initiatives permettront d’accompagner le travail des éducateurs, parents et enseignants.
Crédit photos : Dima Yarovinsky
Retrouvez l’article de François Jourde sur son blog : profjourde.wordpress.com