Inspectrice générale de l’éducation nationale, première directrice du numérique pour l’éducation, aujourd’hui médiatrice de l’éducation nationale et de l’enseignement supérieur, Catherine Becchetti-Bizot est l’auteure du rapport « Repenser la forme scolaire à l’heure du numérique : vers de nouvelles manières d’apprendre et d’enseigner » remis au ministre de l’éducation nationale en mai dernier.
C’est par la projection de son interview réalisée en différé au ministère de l’éducation nationale que s’est ouvert, dans le cadre de la CLISE2018, le séminaire sur la classe inversée organisé le 31 janvier à l’ESPE de Poitiers par les coordinatrices locales de l’association Inversons la Classe! , Soledad Garnier et Florence Raffin, en partenariat avec les autorités académiques.
La classe inversée, une philosophie plus qu’une méthode
L’inspectrice générale explique pourquoi elle consacre une large partie de son rapport à la classe inversée, qu’elle considère être plus une philosophie qu’une méthode.
« C’est cet intérêt pour les pratiques pédagogiques liées au numérique qui a fait que très rapidement je me suis rendu compte que la classe inversée pouvait être un emblème, un bon exemple en tout cas de ces nouvelles pratiques qui se développent dans les établissements scolaires en particulier dans les classes.
Des pratiques qui sont pédagogiques mais qui vont bien au-delà puisqu’elles impliquent, elles engendrent aussi un certain nombre de changements dans l’organisation du temps et de l’espace scolaire, dans l’organisation de la vie de l’établissement, dans les postures des différents acteurs de l’éducation et c’est ce qui m’a amené ensuite finalement à travailler plus largement et de manière plus systémique sur la forme scolaire en général. »
Tous les enseignants qui pratiquent la classe inversée ont pris conscience très tôt que le numérique devait modifier le temps et l’espace de leur enseignement.
« Je me suis interrogée« , confie-t-elle :
Etait ce un phénomène de mode ? ou plutôt le reflet d’une véritable réflexion pédagogique ? ce que cela avait comme impacts dans le système scolaire.
L’association Inversons la Classe !
Ce qui m’a beaucoup impressionnée dans le premier congrès de l’association Inversons la classe ! en juillet 2015, à laquelle j’ai participé, c’est de voir leur capacité de mobilisation. Pas uniquement de mobilisation humaine mais cette capacité d’intéresser et de mobiliser l’intelligence collective en faisant venir autant d’enseignants au mois de juillet.
J’ai évoqué cette association pour ce qu’elle représentait d’évolution des pratiques des enseignants et même de la culture des enseignants.
C’est ce caractère très empirique et évolutif de la pédagogie qui, peut être, est la caractéristique de la classe inversée…Il y a une unité de vision, de regard sur l’élève. C’est une culture commune : c’est celle du tâtonnement, du bricolage
De nouveaux objectifs pour l’Ecole ? De nouvelles responsabilités ?
L’école a aujourd’hui un rôle nouveau a jouer . Aujourd’hui l’école a aussi à préparer au monde extérieur. Je ne pense pas que les grandes finalités de l’école aient changé, mais je pense que les objectifs que se fixe l’école aujourd’hui doivent être repensés dans leur forme, dans la manière de les mettre en oeuvre.
« On n’écrit pas en ligne comme on écrit sur une feuille de papier ! Lire , écrire, compter, respecter autrui doivent, dans le cadre d’un environnement numérique, être appréhendés et approchés autrement. Et à cela s’ajoutent les compétences du XXIe siècle ».
J’ai envie de dire aux enseignants qui hésitent à se lancer, de prendre des risques, classe inversée ou pas, et à remettre en question leur pratique sans craindre de se tromper, car dans ces démarches on a droit à l’erreur.
En même temps je suis convaincue que les enseignants ont besoin de cadres et de repères : cadres éthiques, juridiques, techniques.
Pour que la liberté pédagogique puisse se développer réellement il faut mieux préciser, expliciter , donner du sens et des cadres au niveau de l’institution.
Et les chefs d’établissements, les inspecteurs, le ministère, doivent eux aussi proposer des orientations et des cadres qui soient sécurisants pour les enseignants pour que leur liberté pédagogique puisse réellement se developper.
Un nouveau rôle pour l’inspecteur ?
On ne peut pas changer un seul maillon de la chaîne éducative. L’inspecteur doit aider à l’expérimentation, doit aider à la prise de risque de l’enseignant. Il doit l’encourager.
Je pense qu’il faut passer d’une posture de contrôle a une posture de la confiance.